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Sur la Route du Cinéma - Page 542

  • After the wedding de Susanne Bier ***

    Jacob vit en Inde où il se consacre aux enfants d’un orphelinat menacé de fermeture. De retour au Danemark dans l’intention de récupérer les fonds indispensables, il rencontre un surprenant donateur qui l’invite dès le lendemain de son arrivée au mariage de sa fille. Il comprendra rapidement pourquoi.

    Le premier mélo familial sur fond d’aide humanitaire est né. Il est de Susanne Bier qui avait déjà signé le merveilleux « Open hearts ». La réalisatrice filme les mains en gros plan, elle traque les visages au plus près, scrute les regards, l’épiderme, le moindre battement de cils et sa caméra nerveuse donne au film une sensation d’urgence. Les révélations, (à la manière de « Festen » en moins uppercut…), les évènements s’enchaînent et la tension est maintenue car jamais ici on ne triche avec les sentiments.

    L’interprétation sans faille et viscérale de l’ensemble du casting (les quatre acteurs et actrices principaux ont un charme irrésistible) nous transporte dans un véritable flot d’émotions sans qu’on se sente jamais manipulé car on est constamment en empathie avec les personnages. Confrontés à des révélations qui bouleversent leur vie, ils sont contraints de faire brutalement des choix, des sacrifices, de céder à un chantage familial et affectif et de révéler ainsi leur humanité. Un magnifique film adulte qui n’exclut pas une extrême émotion (préparez vos mouchoirs).

    L’immense, magnifique, idéal, éblouissant… Mads Mikkelsen domine néanmoins une distribution impeccable.

     

  • Mon fils à moi de Martial Fougeron **

     

    Un pavillon bourgeois de province, un couple, deux enfants… Tout semble être calme et paisible, sans histoire mais le film commence alors qu’une ambulance est garée devant la maison. En un long flash-back, nous allons découvrir quel drame s’est joué ici. Le père est prof d’université, la mère « femme au foyer », l’aînée en fac va bientôt prendre une chambre en ville et le fils, Julien 12 ans, entre le collège, son piano, sa grand-mère et son amie Alice… doit faire face à sa mère envahissante qui l’aime et le déteste au-delà de toute mesure.

    Ce premier film sec, dense et brutal nous parle de l’enfance maltraitée ou comment un amour excessif peut devenir destructeur. Les violences physiques succèdent aux violences psychologiques et l’on est horrifié d’assister à cette entreprise de dévastation d’un enfant. La grand-mère aimante ne parvient pas à canaliser la folie naissante de sa propre fille. On n’aura pas d’explication sur la descente progressive de cette femme vers la démence… juste une piste lorsque la grand-mère lui crie à travers une porte qui ne s’ouvrira pas : « tu as toujours été folle ma pauvre fille ! ». La grande sœur, inquiète essaie d’alerter le père : « Julien pleure encore dans sa chambreil va pas bien ». Mais le père, absent, distrait, inapte est plus préoccupé par son travail et la tendresse que sa femme ne lui porte plus que par son enfant : « c’est un ado, c’est dur pour tout le monde à cet âge là ».

    Voir cet enfant prostré, recroquevillé, pleurer dans un coin de chambre ou sous un lavabo est un crève-cœur. On dirait qu’il cherche à disparaître et en même temps il fait tout pour continuer à plaire à cette mère qu’il aime. Elle lui jettera à la figure les chocolats qu’il lui offre, s’évanouira presque lorsqu’elle s’aperçoit qu’il se rase. Elle refuse de le voir grandir, qu’il lui échappe. Elle l’aime et n’a aucune conscience de ses débordements nocifs et castrateurs. C’est sombre et violent, et la maison, la chambre de plus en plus dépouillée de cet enfant deviennent les témoins d’un huis clos étouffant.

    Nathalie Baye, à la fois vampire, autoritaire, cruelle et vulnérable est époustouflante d’ambiguïté dans ce rôle où elle joue, sur le fil du rasoir, la folie naissante et un amour disproportionné et interdit... Le jeune Julien, incarné par Victor Sévaux dont c’est le premier rôle, hyper sensible, hyper touchant est remarquable.

     

  • Les témoins d'André Téchiné ****

    Sarah (écrivain en panne d'inspiration) et Mehdi (flic) viennent d'avoir un bébé qui encombre Sarah. Manu, très jeune homme de 20 ans vit avec sa soeur Julie (artiste lyrique). Il devient platoniquement l'ami d'Adrien (médecin chercheur de 50 ans) après leur rencontre dans un lieu de « drague » pour garçons à Paris. Adrien lui est fou amoureux de Manu.
    Tous ces personnages, amis ou pas, se rencontrent, se jalousent, se manquent, se mentent, se cherchent, se trouvent, se quittent, s'aiment. Nous sommes en 1984 et c'est l'intrusion d'un invité inattendu, d'abord présenté comme un virus exotique qui va réellement sceller le destin et l'avenir de tous. Le nom de ce fléau assassin qui tue d'amour ne sera prononcé qu'une seule fois : le sida !
    Téchiné film avec fièvre et néanmoins sobriété quatre saisons dont une en hiver. Il évite avec virtuosité tous les pièges commodes qui lui étaient tendus avec un tel sujet. Jamais, à aucun moment il ne va nous faire sombrer dans le mélo et nous tirer des larmes faciles, ce qui aurait été si simple avec la tragédie qui se joue. Si les yeux restent secs, le coeur palpite néanmoins devant tant de maîtrise qui écarte d'emblée le pathos. L'épouvante reste encore à ce jour de donner la mort par amour. Le réalisateur nous le rappelle avec vigueur. L'état d'urgence est toujours d'actualité devant les sentiments purs qui s'imposent à nous parfois et qui se trouvent anéantis, ce qui était vu comme une punition par le légitime et tout aussi innocent désir sexuel.
    Mourir d'aimer !!!
    Téchiné répète ce que l'association de ces deux mots a de contradictoire et d'aberrant. C'est insensé et irrationnel. La mort est forcément au bout de ce voyage douloureux mais aussi et curieusement : la vie.
    Les personnages de l'histoire ne sont pas forcément ou immédiatement sympathiques. Sarah (Emmanuelle Béart), solaire dans ses robes jaune éclatant est une femme amoureuse, une amie passionnée qui ne parvient pas à aimer son enfant. Adrien (Michel Blanc) est l'amoureux éconduit, l'ami qui fait parfois défaut mais parvient à dépasser ses propres douleurs par compassion et dévouement. Julie (Julie Depardieu) que l'on découvre peut-être pour la première fois sans doute dans un rôle grave et fort, ne joue plus les farfelues de service ; ça lui va à merveille. C'est un ange ! Le jeune Manu (Johan Libéreau) est la révélation, plein de fougue, de jeunesse et de fraîcheur.
    Et puis, au-dessus de tous ces acteurs pourtant fabuleux, une nouvelle fois c'est Mehdi (Sami Bouajila) qui se montre le champion du monde toute catégorie de l'intensité. Il incarne et matérialise véritablement toutes les facettes de son personnage complexe, mélange d'évidence et d'ambigüité. Un acteur magnifique à tout point de vue.
    Ce film célèbre sans pathos le bonheur d'être VIVANT.

     Merci.


  • Michou d’Auber de Thomas Gilou **

    Messaoud, petit parisien de 9 ans est « placé » par la DDASS chez Gisèle et Georges (qui n’ont pu avoir d’enfant) en plein cœur du Berry. Les parents « nourriciers » de Messaoud sont pleins de tendresse pour l’enfant mais cela se passe en 1960, à la campagne. Les parents de Messaoud sont algériens, Georges est un ancien militaire qui « a fait » l’Algérie et la récente télévision qui occupe les foyers ou les bistrots est envahie par les discours du Général... Gisèle décide de teindre Messaoud en blond et de l’appeler Michou !

    Au-delà des retrouvailles savoureuses de Nathalie Baye et de Gérard Depardieu et de la découverte d’un petit acteur incroyablement juste, Samy Seghir, ce gentil film qui marche sur des œufs pour parler d’une époque troublée se laisse voir avec beaucoup de plaisir. Même bourrée de clichés et de bons sentiments, l’entreprise semble sincère donc pleine de justesse et d’émotion. C’est à la fois drôle et grave sans jamais tomber dans la niaiserie. Par ailleurs, retrouver, comme des points de repères…, tous les détails qui faisaient l’ambiance des années soixante est un régal.

    Gérard Depardieu (plein de rage et de douceur) confirme, film après film, qu’il redevient le grand acteur sans fard et sans tic qu’il est. Quant à Nathalie Baye, comme toujours, elle continue de transformer le moindre rôle en pépite d’interprétation. Toute en grâce, en distinction et en élégance, elle peut dire à Mathieu Amalric (aaaaah !) « Me regardez pas comme ça, je suis une fille de la campagne moi ! » et être crédible. Belle femme et belle actrice !!!

     

  • Le voile des illusions de John Curran ***

    Kitty épouse Walter (médecin bactériologiste) sans amour pour échapper à sa famille en général et à sa mère en particulier. Il emmène la jeune femme à Shangaï où il doit mener des recherches. Elle s’éprend d’un autre homme. Walter découvre l’adultère et lui propose soit le divorce soit de l’accompagner dans une région de Chine où sévit une épidémie mortelle de choléra. Abandonnée par son amant, Kitty, brisée, suit Walter lui aussi bien abîmé. Ce voyage qui se révèlera finalement initiatique ressemble d’abord à un sacrifice, une forme de suicide par la maladie…

    Beau et lent voyage dans les profondeurs du couple, ce film est l’oraison funèbre d’un amour, une complainte douloureuse sur la solitude, les épreuves d’une femme et la souffrance d’un homme qui se retrouvent, qui se découvrent en s’admirant.

    C’est très beau, très exotique, très romanesque, très romantique, les paysages sublimes sont un personnage à part entière, la musique d’Eric Sati un enchantement languissant. Tout est « très » dans ce film… et Edward Norton aussi, surtout…

     

  • Au nom de la liberté de Philip Noyce **

    Ce film retrace les débuts de l’engagement de Patrick Chamusso en Afrique du Sud jusqu’à son emprisonnement à Robben Island (+ de 10 ans..) comme prisonnier politique, là où Nelson Mandela a été incarcéré pendant plus de 20 ans. C’est l’histoire vraie d’un homme qui mène une vie tranquille avec sa femme et ses deux enfants et qui, à la suite d’une erreur se fait arrêter. Pour cacher son alibi qui lui ferait perdre sa femme, il avoue ce qu’il n’a pas commis. Finalement relâché, il prend conscience qu’il peut lutter contre l’apartheid et s’engage dans l’ANC (African National Congress), ce parti déclaré hors la loi.

    Ce film démontre avant tout comment à partir d’erreurs, d’aveuglement, de mensonges et d’injustices on fait d’un homme ordinaire et pacifiste un terroriste. L’acharnement et la paranoïa des tortionnaires qui voient des terroristes partout créent un climat de tension permanente : en gros, tout le monde est suspecté. 20 millions de blancs contre 3 millions de noirs dans ce pays, quelque chose cloche car ce sont les blancs qui se sentent agressés.

    Le duo d’acteurs est tout simplement remarquable. Derek Luke/Patrick Chamusso, impliqué sans réserve démontre avec calme et détermination qu’il y a une limite à l’absurdité à ne pas franchir. Quant à Tim Robbins/Nic Vos le policier, il donne tout ce que ce personnage a d’ambigu. Sorte de nazi appliqué à la tâche, père aimant et protecteur, il pousse le sadisme jusqu’à accorder une trêve à son prisonnier le dimanche (jour du Seigneur !!!), interrompre les séances de torture et l’inviter à la table familiale. D’autant plus sidérant que ce film est un film sur le pardon et qu'évidemment c'est la victime qui finit par pardonner, même si le bourreau semble rongé de remords...

    « Patrick Chamusso est un homme remarquable, une source d'inspiration pour nous tous. Il est allé au-delà du drame, au-delà de la haine pour apprendre à pardonner.", raconte le réalisateur.

     

  • Contre-enquête de Franck Mancuso **

     

    Richard Malinowski, capitaine cool à la « Crime » aime son boulot. Il a une belle maison, une belle femme, une petite fille adorable. Il voit sa vie basculer le jour où sa fille est massacrée (violée, tuée à coups de pierres) par un détraqué. Très vite un suspect est arrêté puis condamné. Le coupable clame son innocence du fond de sa prison et Richard, intrigué par la vitesse à laquelle l’enquête a été ficelée, perturbé par les lettres que lui envoie inlassablement le coupable, se met à douter. Il décide de se lancer dans sa propre contre-enquête.

    Dans la série « les clowns se mettent au drame », je vous présente Jean-KC-Dujardin qui s’en sort mieux que bien dans un rôle sombre à la limite du mutisme où il ne vous arrachera pas un sourire. Broyé par un chagrin insurmontable (comment survivre à l'inconcevable ?), il avance telle une machine, obstiné, résolu à trouver l’assassin de sa fille.

    Laurent Lucas est lui aussi parfait dans le rôle du condamné. Son visage peut tour à tour être celui d’un ange ou d’un démon et pendant 1 h 30, on pense alternativement « oui, c’est lui, avec sa tête de psychopathe » et « non, ça ne peut pas être lui, avec sa tête d'innocent ! ».

    Contrairement à certains films, on n’en sait pas plus que l’enquêteur mais finalement, lors du dénouement on ne peut qu’apprécier d’avoir été bel et bien manipulé !!!

    P.S. : celui qui me donnera l’explication de la lettre qui commence par « Mon cher Capitaine » recevra un paquet de Bêtises de Cambrai de la production. Merci.

     

  • Nue propriété de Joachim Lafosse ***

    Pascale (ça arrive même au cinéma de s’appeler comme ça !!!) divorcée dans la rage et les noms d’oiseaux, vit depuis de longues années avec ses deux grands jumeaux François et Thierry. Ils bouffent comme des porcs et entretiennent une relation dénuée de tout complexe avec leur aimante maman. Entre ces trois là, la relation est fusionnelle donc pas viable à long terme. Lorsque Pascale décide de vendre la maison, un fils accepte, l’autre pas. Le drame couve, la guerre est déclarée.

    Le choix des plans fixes par le réalisateur confère à ce film une intensité rare. Les acteurs entrent et sortent du champ ce qui semble laisser au spectateur du temps, de l’impatience et de l’inquiétude. Seule la maison est solide. Elle est le pilier au centre de toutes les tensions, de toutes les luttes.

    Quant aux personnages, ils semblent incapables de s’entendre, de se comprendre, de s’écouter, de communiquer tout simplement. Les deux jeunes acteurs, (Jérémie et Yannick Rénier, vrais frères dans la vraie vie) ne peuvent dissimuler leur évidente complicité. Parler de naturel au cinéma n’a jamais été aussi flagrant et incontestable. Jérémie est fiévreux, Yannick plus doux et fragile. Entre les deux, Isabelle Huppert, aussi égarée que ses deux garçons, compose une nouvelle fois un personnage complexe qui prend vie grâce à cette actrice inspirée.

    Regardez, Ecoutez... et courez-y !

  • Le nombre 23 de Joël Schumacher *

    Un jour la femme de Walter lui offre un roman. Très vite il s’imagine que l’histoire et sa propre vie renferment d’étranges similitudes. Le héros éprouve une incontrôlable et dangereuse fascination pour le nombre 23. Peu à peu Walter se laisse lui aussi envahir par tous les hasards, coïncidences et symboles reliés à cet encombrant nombre. Finalement convaincu que le héros du livre et lui ne font plus qu’un, il se persuade qu’il va en arriver aux mêmes excès, à la même extrémité.

    Schumacher n’a jamais fait dans la dentelle et le final raté n’auront pas raison de la performance remarquable de Jim Carrey qui fait ses premiers pas réussis dans le thriller avec un double rôle dont il maîtrise parfaitement les deux facettes. Pour une fois qu’il est vraiment dingue, il ne gesticule pas. C’est évidemment encore bien plus déroutant et angoissant.

    Inquiétant et paranoïaque, l’acteur qui nous avait habitué à des grimaces et contorsions, nous fait ressentir la folie qui gagne un homme avec une économie louable et impressionnante d’effets. Jim est grand !