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1 ***** VERTIGINEUX - Page 8

  • Lady Chatterley et l’homme des bois de Pascale Ferran *****

     Lady Chatterley : photo Jean-Louis Coulloc'h, Marina Hands, Pascale Ferran

     

    Lady Chatterley : photo Marina Hands, Pascale Ferran

    En 1921 en Angleterre, Constance s’étiole dans son château perdu au cœur d’une forêt, près de son mari Clifford, infirme de guerre. Ses promenades quotidiennes la mènent jusqu’à la cabane du garde-chasse. Ils vont s’observer, s’apprivoiser, se découvrir, s’aimer…

    Ce film est une rareté et lorsque le générique de fin démarre on se trouve instantanément en manque de Constance et d’Oliver. Pendant que le texte défile reviennent en tête leur douce, longue et merveilleuse dernière conversation, leurs regards éperdus et la toute dernière réplique prononcée dans un souffle par le garde : « oui ». La fin, d’une mélancolie déchirante pourtant pleine d’espoir et d’optimisme est comme une élévation. C’est l’histoire toute simple d’un amour qui libère le corps, mais aussi l’esprit et l’intelligence. C’est un amour qui révèle que les sentiments sont plus forts que les conventions sociales. Il permet aux amoureux de se relever. Constance transgresse les interdits et Oliver, d’abord réticent se met à apprendre, à comprendre et à partager le langage. C’est l’histoire d’un abandon et d’une confiance absolus.

    Je ne me souviens plus avoir ressenti qu’une caméra pouvait être aussi caressante… avec ses personnages mais aussi avec la nature, véritable métaphore de l’élan qui fait que les amoureux se cherchent et se rejoignent. Par le regard et dans ses gestes, Constance rend cet homme, son homme, beau et attirant. Quant à Oliver (Jean-Louis Coulloch’ EPOUSTOUFLANT) massif, terrien, solide, solitaire mais si féminin « ma mère disait que j’avais des réactions de fille ; je le vis comme une infirmité », il est d’une délicatesse qui fait frissonner. La première fois qu’il embrasse Constance, il murmure : « vous voulez bien ? ». Quand les deux amants doivent être séparés un temps, Constance dit à Oliver : « ça ne me gêne pas que tu ailles voir d’autres femmes, pourvu que je ne le sache pas et surtout que ton cœur reste doux ». Oliver sourit ! Constance prend la mesure de l’amour qu’elle porte et qu’elle reçoit. Ça fait tant de bien et tant de mal parfois !

    Que dire de Marina Hands ? Il semble que Pascale Ferran en ait tiré toute la lumière intérieure. Elle est magnifique, naïve, directe, ardente… Elle explose de rire. Elle est belle, elle est Constance.

    L’actrice romantique de l’année : c’est Elle !

    C’est si beau, si frémissant tout simplement ! C’est un film incandescent, inoubliable.

  • La vie des autres de Florian Henkel Von Donnersmark *****

     

    RDA 1984. Employé de la Stasi la police secrète d’Etat, Wiesler (Ulrich Mühe : fascinant) est chargé d’enquêter sur un couple d’intellectuels suspects alors qu’ils ne sont même pas (vraiment) opposants au régime. Peu à peu l’enquêteur semble s’attacher au couple.

    Instantanément, dès la première scène, magistrale, on est captivé. Il s’agit d’un interrogatoire dans des sous-sols sordides. Pas de torture ici, la violence est uniquement psychologique, mais tout aussi insoutenable. Ensuite on quitte cet endroit. On y reviendra bien plus tard… L’intérêt va croissant. Le suspens, l’atmosphère, tout est solide et captivant

    Ce film parfait est un premier film. La reconstitution, les couleurs froides (on se croirait parfois dans « Brazil »), la mise en scène, l’intensité de l’histoire passionnante de la première à la dernière minute… oui justement la dernière minute : ultime sommet de perfection, tout ici est soutenu et maîtrisé. C’est aussi romanesque et bouleversant tout en restant sobre et objectif. Une réussite exemplaire qu’il va être difficile de surpasser cette année.

    Cette vie des autres aurait pu s’appeler « Sonate pour un homme bon »… et l’homme bon, on le découvre à la toute dernière seconde où dans un dernier plan fixe, le réalisateur nous livre le visage enfin apaisé, voire rayonnant d’un homme soulagé, pardonné qui avait hanté le film d’une interprétation quasi hypnotique au regard vide, mort ! Un moment fabuleux.

    « Celui qui sauve un homme, sauve le monde ». Encore une fois on vérifie cette phrase du Talmud. Encore une fois on voit que c’est par l’amour que l’homme froid, cruel, implacable peut devenir bon. L’acteur Ulrich Mühe qui s’ouvre à l’art puis à des sentiments méconnus de lui (l’amour, la compassion…) atteint par son interprétation extraordinaire des sommets insoupçonnés. Le reste du casting est pratiquement de ce niveau avec une interprétation exemplaire, notamment d’Ulrich Tukur, exceptionnel.

    Une réussite totale. Un choc ! 

  • LE VENT SE LEVE de Ken Loach *****

    Comme chaque année "la semaine Télérama" propose de venir voir ou revoir une sélection des meilleurs films de l’année 2006. Cette sélection est faite par les journalistes de Télérama et par les lecteurs de la revue. J'ai choisi cette année de revoir en salle : "The wind that shakes the Barley".

     

    The Wind shakes the Barley (Le vent se lève) de Ken Loach

    Quel film et Quelle palme ! Le réalisateur Wong Kar Waï et son jury ne s’y sont pas trompés en accordant à ce film la Palme d’Or du Festival de Cannes en 2006.

    1920 en Irlande la guerre d’indépendance fait rage et le beau titre original fait référence à un poème irlandais de Robert Joyce « Le vent qui agite l’orge » qui évoque le soulèvement irlandais de 1798.

    Damien, jeune médecin tout juste diplômé souhaite partir à Londres exercer son métier. Témoin de deux scènes insupportables au moment de son départ, il renonce au départ et choisit de s’engager dans les troupes de l’Armée de la République d’Irlande (I.R.A.) pour combattre les troupes britanniques qui occupent le pays. Entre l’engagement politique, les scènes de combats, l’entraînement de cette troupe d’abord désarmée obligée de bricoler ou de voler ses armes, la torture et les exécutions sommaires d’innocents parfois, dans les deux camps, rien ne nous est épargné !

    Et puis il y a un moment où tout bascule et les phrases chocs, c’est  encore Damien qui les prononcent : « j’ai étudié l’anatomie pendant des années, et je vais tuer un homme d’une balle en pleine tête. » Et plus tard : « J’ai franchi un cap, je ne ressens plus rien ».

    A nous spectateurs, d’encaisser cela.

    Ce film dérangeant, percutant et bouleversant est l’œuvre d’un anglais qui dénonce avec effroi et en hurlant le colonialisme, l’impérialisme, toutes les occupations abusives de pays, toutes les oppressions et plus encore toutes les guerres de religion ainsi que les luttes absurdes et aberrantes dans leur horreur. Il le fait en contant le drame qui va séparer Damien et Teddy au cours d’une lutte fratricide imbécile. Deux frères, deux clans, deux groupes qui se déchirent c’est toute la « connerie » des guerres et plus encore des guerres civiles

    Voici donc l’œuvre (le chef-d’œuvre) d’un humaniste pacifiste en rage contre la folie des hommes et il y a bien longtemps qu’il nous avait été offert de voir un film de cette exceptionnelle qualité ! Qu’il soit réalisé par un honnête homme de 70 ans toujours en colère le rend encore plus admirable.

    Sur le plan cinématographique, c’est tout aussi remarquable. Pas de romantisme, les morts ne meurent pas au ralenti sur de la musique classique, Ken Loach ne nous impose pas de bondir par un coup de cymbale ou de pleurer en sortant les violons. Ce cinéma classique, sans fioriture, traité chronologiquement en toute simplicité est un coup de poing ! Le vent secoue la lande magnifique et résistante comme un maquis.

    L’histoire d’amour (généralement superflue dans nombre de films) est filmée pudiquement d’autant que l’élue du cœur de Damien est elle aussi une résistante qui aura à souffrir mille tourments dans son corps et dans sa chair.

    Quant à Cillian Murphy : quel acteur, mais quel acteur !!!

    Comment ne pas être à genoux devant Ken Loach et ce cinéma exemplaire ? Comment ne pas finir en larmes comme cette femme à genoux en pleurs elle aussi face à l’étendue désastre ?