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Sur la Route du Cinéma - Page 562

  • Le voyage en Arménie de Robert Guédiguian ***

    Guédiguian quitte Marseille et l’Estaque pour se rendre en Arménie, pays de ses ancêtres et c’est très beau.
    Anna (Ariane Ascaride), cardiologue est pétrie de certitudes et a l’habitude de tout régenter autoritairement autour d’elle. Lorsqu’elle découvre que son père est cardiaque, elle n’hésite pas : elle prend rendez-vous avec un chirurgien et lui annonce « l’opération est pour tel jour ». Le père refuse, s’enfuit en Arménie et sème des pistes pour que sa fille, qui n’y a jamais mis les pieds, le retrouve.
    C’est un véritable voyage initiatique qu’Anna va entreprendre. D’abord en colère et agacée par tout ce qui l’entoure, elle va finir par se sentir arménienne, elle va douter et se découvrir.
    Guédiguian n’y va pas de main morte dans l’émotion mais aussi dans l’invraisemblable et le démesuré mais il signe là un véritable film d’aventures auquel il ne nous avait pas habitués jusqu’à présent. A Erevan, Anna va faire de providentielles rencontres : un guide (photo), un ancien général (marseillais qui a fui, Gérard Meylan, épatant, suscite toujours ce mélange de douceur et d’inquiétude), une jeune coiffeuse en danger et adorable et qui rêve de partir en France, un médecin humanitaire (Jalil Lespert, toujours parfait), un militaire (Serge Avédikan, ex « Pull-Over rouge"), un mafieux (Simon Abkarian, formidable). Tous vont tomber à point nommé et sous le charme d’Anna et vont l’aider.

    Les grosses ficelles scénaristiques (comment imaginer qu’on puisse arriver dans ce pays pas facile et y être accueillie et protégée aussi aisément ?) importent peu. Guédiguian, toujours amoureux fou de son interprète apparemment, ne la quitte pas d’une semelle (choix étrange d’ailleurs de talons aiguilles pour parcourir l’Arménie, pays des cailloux) et elle, en bon petit soldat va jusqu’à prendre les armes pour arriver au bout de son chemin.
    C’est captivant, très très émouvant, merveilleusement interprété, l’Arménie est un pays somptueux avec en toile de fond le Mont Ararat qui semble vous observer de partout, l’Arménien est une langue superbe, la leçon d’histoire est passionnante… Embarquez-vous pour ce voyage inédit, savoureux et poignant !

  • Meurtrières de Patrick Grandperret***

     

    Le premier quart d’heure sonne faux : situations, dialogues et personnages sont à la fois obscurs et insignifiants. Et puis tout s’arrange lorsqu’au bout de ce quart d’heure lourdingue Nina et Lizzy (équipées des mêmes désillusions) se rencontrent à l’hôpital psychiatrique où elles cherchent à sécher leurs larmes et d’où elles s’échappent.

    Elles se rencontrent parce qu’elles se « reconnaissent » alors qu’elles sont à la fois si différentes et si complémentaires. Ce sont avant tout deux actrices Hande Kodja et Céline Sallette, deux beautés, deux tempéraments, deux révélations qui portent et élèvent le film vers des sommets d’authenticité et d’émotivité. Elles ont une vivacité, une énergie, une fougue et une vitalité qui explosent à chaque instant. Elles ne sont pas forcément sympathiques mais on les aime d’emblée car dans leur cavale improvisée, sans argent, par une accumulation de poisse inconcevable, toutes les portes vont une à une se claquer violemment devant elles. On ressent leur faim, leur désillusion et on perçoit la tension qui évolue en rage et qui vont les conduire au pire. Dès la scène d’ouverture, on sait qu’il y a meurtre, puisque le film est un long flash-back, mais on ne sait lequel des personnages rencontrés en route les y conduira. La victime sera leur bourreau aussi.

    Il n’y a ni justification, ni plaidoyer en faveur de leur acte, juste sans doute l’évocation que nous sommes dans un monde où les filles ont toujours à se justifier d’être libres et jolies et qu’elles doivent constamment en payer le prix en n’étant, encore et toujours, qu’objets de désir et d’assouvissement de ce désir. Effrayant, pitoyable et écoeurant.

    Soudées, unies, inséparables, leurs silhouettes menues et énergiques s’éloignent dans la nuit, elles n’ont toujours pas mangé et ça crève le cœur.

  • Le soleil d’Alexander Sokourov****

     

    Ce film est une œuvre d’art, inclassable, incasable et hors du commun.

    Il s’agit du troisième volet d’une trilogie consacrée aux dictateurs du XXème siècle. Après Hitler et Staline, voici Hiro Hito, Empereur du Japon pendant la seconde guerre mondiale. Hiroshima et Nagasaki ont été atomisées et l’Empereur vit cloîtré dans une espèce de bunker où règne une ambiance mortifère à l’opposé de l’effervescence et de l’hystérie qui régnaient autour d’Hitler dans son souterrain. Hiro Hito marmonne et s’apprête à la reddition, honte suprême, et à la renonciation à son ascendance divine, cette part d’ombre du monstre.

    Gloire à Ogata Issey, acteur stupéfiant qui compose ici une partition habitée, hallucinée et hallucinante ! A la fois profondément émouvant et parfaitement irritant, il est comme un pantin disloqué, une sorte de marionnette ventriloque ébahie. C’est le crépuscule d’un Dieu, la fin d’un monde. L’acteur et le film évoquent Dick Bogarde, pathétique et attendrissant et « Mort à Venise » dans sa torpeur inquiétante et sa beauté oppressante.

    Contre toute attente, l’humour n’est pas absent de ce film magnifique, notamment lorsque l’Orient rencontre l’Occident et que le Général Mac Arthur (Robert Dawson) stupéfié et courtois vient arrêter le monstre. L’homme divinisé ne peut pas être approché à plus de trois mètres et la séance photos offerte aux journalistes américains venus rencontrer le phénomène est purement burlesque. L’Empereur s'y livre à une véritable représentation en prenant des poses absurdes. Le découvrant ridiculement petit et vêtu d’un costume et d’un chapeau, un des journalistes s’écrit : « on dirait Charlie Chaplin ». Il se trouve que quelques instants avant nous l’avons vu feuilleter un album photos rempli de stars hollywoodiennes avec Charlot en vedette. Et l’Empereur de s’inquiéter avec fierté : « Je ressemble vraiment à cet acteur américain ? ». Pathétique mais drôle !

    Alors qu’un être et un monde s’effondrent, le film est comme incendié par des images somptueuses. Rarement tant de beauté a envahi un écran !

  • Minuit dans le jardin du bien et du mal de Clint Eastwood ***

    Un film de Clint sans Clint demeure quand même un voyage. Ici tout n’est que prétexte et nous sommes embarqués dans une flânerie colorée au cœur de Savannah, ville sudiste moite où tout devient rapidement romanesque.

    John Kelso (John Cusak, bouche bée) jeune journaliste new-yorkais est envoyé à Savannah pour « couvrir » la réception annuelle de Jim Williams (Kevin Spacey, séduisant et dandy) riche collectionneur d’art. C’est donc dans les quartiers riches que nous nous trouvons.

    Dès le lendemain, l’évènement mondain tourne au fait divers et Jim Williams est accusé du meurtre de son amant Billy (Jude Law, bad boy). Le journaliste, emballé, flaire le scandale et décide de s’installer en ville pour suivre le déroulement du procès. Il convainc sa rédaction par un : « c’est génial ici, on dirait Autant en emporte le vent sous mescaline ! ».

    A partir de là, ce sont plus les à côtés pittoresques que l’enquête elle-même qui importent. Tout ici n’est qu’apparences, simulacres et futilités. C’est vain et c’est délicieux.

    Voilà un bien curieux polar, nonchalant et passionnant où les morts, les vivants, les pouvoirs occultes s’embrouillent harmonieusement et où des personnages hauts en couleur assurent le spectacle, notamment l’extravagante Lady Chablis (autochtone dans son propre rôle) exquise et loufoque.

    C’est magnifique, irrésistible et somptueux.

  • La Fête du Cinéma, les dimanche 25, lundi 26 et mardi 27 juin ****

    Si la cinéphile boude ses salles pendant cet évènement, elle n’en loue pas moins l’initiative, 22ème du nom qui permet après l’achat d’une place au tarif plein, de voir des films au prix de 2 €uros.

    Voir des films, en redécouvrir, se faire des séances de rattrapage, voilà le principe de l’évènement à vivre sans modération !

    De façon tout à fait subjective et personnelle, je recommanderai particulièrement ceux-ci (dans le désordre) :

    « C.R.A.Z.Y » : petit bijou drôle, vif, émouvant avec un acteur magnifique Marc-André Grondin et qui grâce à un bouche à oreille plus qu’enthousiaste (dont le réalisateur est le premier heureux et surpris) poursuit sa triomphale carrière méritée. Ne ratez pas l’envol de Zacharie !

    « The road to Guantanamo » : docu-fiction saisissant et éprouvant.

    « Volver » où Pedro Almodovar nous redit avec son talent et sa sensibilité qu’aucune maman (la sienne, la vôtre, la mienne) ne devrait mourir..

    « Conversations avec une femme » : conversations sensibles,subtiles, touchantes et adultes entre une femme et un homme adultes.

    « Bled number one » : un acteur et un réalisateur Rabah Ameur Zaïmeche qui parle de son pays, des gens de son pays, avec douceur, objectivité et tendresse.

    « Marie-Antoinette » où Sofia et Kirsten rassemblent leur jeunesse, leurs doutes, leurs troubles, leur talent et leur solitude dans un monde qui les juge et les bouscule.

    « Avril » : coup de cœur absolu, plein de fraîcheur de drôlerie et d’intensité, et une actrice immense Sophie Quinton.

    Et puis « Le Caïman » et « Paris, je t’aime » les hymnes, les hommages des amoureux aux amoureux du cinéma.

    9 films, indispensables (!!!) en trois jours, c’est faisable non ? ;-))

     Que tous ces réalisateurs et tous les autres qui m’échappent ou que je ne « rencontre » pas en soient remerciés.