2 AUTOMNES 3 HIVERS de Sébastien Betbeder ***(*)
Arman, bac + 5, vivote de petit boulot en petit boulot, mais à 33 ans il prend des résolutions :
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Arman, bac + 5, vivote de petit boulot en petit boulot, mais à 33 ans il prend des résolutions :
En 1765, Suzanne jeune fille de 16 ans charmante et cultivée est envoyée au couvent. Ses parents désirent ainsi parfaire son éducation. Malgré sa foi sincère, elle ne comprend pas cet enfermement auquel n'ont pas été soumises ses deux soeurs aînées, mais y consent puisqu'il ne doit durer qu'une année. Sa bonté et son amour de Dieu provoquent l'admiration de la Mère Supérieure. Mais lorsque le curé, ami de sa famille vient annoncer à Suzanne que sa mère souhaite qu'elle prononce ses voeux, elle ne comprend pas ce désamour, refuse, finit par céder contrainte par une révélation de sa mère qui lui demande de l'aider à expier ses propres péchés, puis se révolte !
Bien qu'on ne quitte quasiment pas l'enceinte d'un couvent, à aucun moment on a la sensation d'assister au procès des pratiques, rites et traditions de la religion catholique. Respectueux mais pas prosélyte, Guillaume Nicloux ne met pas la religion elle-même en cause mais bien les individualités qui la composent. Au travers du combat obstiné de Suzanne, le réalisateur dessine le portrait d'une scandaleuse dont la foi n'a d'égale que la force de caractère et la volonté implacable. Suzanne aime Dieu mais n'entend pas être "enfermée vivante". Et c'est avec infiniment de douceur, de patience et de courage qu'elle va tenir tête à toute la hiérarchie ecclésiastique. L'affronter sans faillir ni se laisser briser. Suzanne est un roseau qui plie souvent mais ne rompt point et se relève toujours de toute la cruauté dont elle est parfois victime. Même la bienveillance et la gentillesse de sa première Mère Supérieure ne la détourneront pas de son but. La cruauté, le sadisme d'une autre l'affaibliront sans l'abattre.
Suzanne aura tout à affronter, le chantage affectif, la manipulation, la brutalité, le harcèlement moral et physique. Le courage de dire non, son combat pour la liberté sont un véritable hymne à la résistance, à l'émancipation féminine, à l'audace voire à l'héroïsme. Et tout ça sans jamais renier sa foi à laquelle on cherche aussi à lui faire renoncer. Suzanne est une guerrière d'une douceur impressionnante. Et comble d'impertinence, ce sont des hommes, curé, évêque, avocat, père... qui vont la soutenir dans son combat.
Dire que Pauline Etienne illumine le film de sa radieuse présence est un doux euphémisme.
NB. : voici l'autre atout imparable, incontournable, irrésistible de ce film... qui donne envie d'avoir besoin, ou besoin d'avoir envie... d'un avocat :
Claire pénètre comme par effraction dans une grande maison. Elle entre par la fenêtre, monte à l’étage, semble dérober quelque chose et se cache sous le lit lorsqu’elle entend un bruit. Un vieil homme entre à son tour…
On découvre un peu plus tard que Claire 18 ans, partage cette grande maison qui sent la poussière, les absences et les secrets de famille avec son grand-père.
Alors que le vieillard fait des tentatives d’approche pour comprendre et essayer de « recadrer » la jeune fille qu’il se reproche d’avoir trop laissé livrée à elle-même, celle-ci le repousse toujours.
Le gros reproche que je ferai à ce film subtil et délicat la plupart du temps, c’est de nous présenter les deux univers parallèles des deux personnages de telle sorte qu’ils se croisent peu alors que j'aurais aimé davantage de confrontations. On rêve de leur réconciliation, de leur étreinte…
D’autant que les deux acteurs sont fabuleux. L’ogre Piccoli, toujours le même et encore capable de s'enthousiasmer et de tout donner à un premier film, à la fois protecteur et monstre encore rugissant est vraiment touchant dans sa façon de sentir qu’il est au bout de sa vie et de refuser l’aide, la compassion ou la tendresse. Emouvant aussi lorsqu’il prend conscience de ce qu’il aurait pu apporter à cette jeune fille secrète qui ne partage rien avec lui, même pas ses victoires en natation, sa passion. Lorsqu'il parle d'elle à un vieil ami retrouvé à l'occasion d'un enterrement, il évoque une relation faite de complicité et d'admiration réciproque.
Quant à Pauline Etienne, déjà fabuleuse dans le très récent « Qu’un seul tienne et les autres suivront », confirme par l’intelligence de ses choix et la profondeur de son interprétation qu’elle n’est pas une actrice/ado interchangeable et surestimée (telle Léa Seydoux) comme on en voit tant. Voir ses joues s’empourprer devant la caméra n’est pas sans évoquer une certaine Juliette !
Elle est au centre du film et de l’histoire, jeune herbe folle sans repère qui cherche à plaire, qui se trompe, joue avec les sentiments d’un garçon qui l’aime vraiment, s’en aperçoit trop tard, provoque, séduit. Son visage s’éclaire ou s’assombrit comme par magie. Une actrice est née.
Dans le rôle de Thomas, l'amoureux perdu, on découvre également un acteur incroyable encore jamais vu, Clément Roussier, très "truffaldien" devrait se faire remarquer par Christophe Honoré
Deux personnages séparés par au moins six décennies, une vie chargée de regrets voire de remords, une autre inquiète et déroutée par l’avenir, finalement réunis par la même histoire et peut-être aussi des sentiments…
Ah, l'année commence bien.
LE PERE DE MES ENFANTS de Mia Hansen-Love****
QU'UN SEUL TIENNE ET LES AUTRES SUIVRONT de Léa Fehner****
Que peuvent bien avoir en commun Stéphane qui va accepter un marché bien tordu pour essayer de se sortir de la mouise, Zohra algérienne qui vient en France pour comprendre comment et pourquoi son fils est mort et Laure jeune fille de 16 ans incomprise qui va s’amouracher d’un jeune rebelle un peu révolutionnaire ?
Simplement et accidentellement, ils vont tous se retrouver à faire la queue pour entrer au parloir d’une prison du sud de la France. Et ce film, le premier d’une jeune réalisatrice de 28 ans nous y conduit de façon magistrale après nous avoir fait partager un peu la vie de chacun des personnages pendant deux heures exceptionnelles. Et ses personnages, elle les aime, elle ne les stigmatise pas, ne les juge pas et du coup on entre avec une facilité déconcertante en empathie avec eux.
Réussir un film choral est un exercice de haute voltige et Léa Fehner le maîtrise admirablement. Les trois personnages principaux n’ont rien à voir les uns avec les autres, ne se rencontrent pas, leurs histoires n’ont rien en commun, sauf peut-être la tragédie, l’événement ou la décision qui va les mener au parloir, mais elles nous sont racontées avec une fluidité, une cohérence et une progression dramatique tellement maîtrisées qu’elles forcent l’admiration.
De prison il est question et pourtant on n’y passe relativement peu de temps. Tout se joue également à l’extérieur, car la prison ne détruit pas uniquement ceux qui y sont entre les murs. Mais la réalisatrice tourne autour du bâtiment imposant et monstrueux, nous laissant découvrir le no man’s land où il est construit mais aussi percevoir les bruits tellement caractéristiques tels que les clés qui tournent dans les serrures, les portes qui claquent et les cris qui fusent constamment.
Par touches successives, la réalisatrice décrit les moments où la vie de chacun va basculer pour parvenir à son épilogue et on aimerait pouvoir prolonger encore cet accompagnement et savoir ce qu’ils vont devenir.
La maîtrise de son sujet et de sa réalisation n’est pas le seul atout de Léa Fehner et elle peut y ajouter une direction d’acteurs hors pair. Elle a tiré le meilleur des quelques joyaux qui composent son extraordinaire casting. La petite Pauline Etienne en ado/adulte « pas si jeune que ça » est toujours d’une justesse impressionnante, Farida Rahouadj incarne à elle seule toutes les femmes maternelles/« maternisantes » du cinéma, Julien Lucas le jeune médecin mufle, macho se transforme imperceptiblement et succombe presque à son insu, Marc Barbé est un élégant manipulateur tout en finasseries, Vincent Rottiers voyou charmeur souvent au bord de l’implosion, et bien sûr surtout Reda Kateb, déjà particulièrement remarquable dans « Un prophète », il prouve ici ce qu’est un Acteur tout en douceur...
Mais au fond il n’est pas étonnant qu’avec un titre aussi magnifique Léa Fehner ait réussi un film qui y ressemble, humain, intense, fiévreux et chaleureux.