Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Cinéma - Page 208

  • DESPUÉS DE LUCIA de Michel Franco ***

    Después de Lucia : photo Tessa IaDespués de Lucia : photo Tessa IaDespués de Lucia : photo Tessa Ia

    Un type récupère sa voiture et le garagiste lui énumère la liste impressionnante et interminable des réparations qui ont été faites. Le type roule et en plein embouteillage, à un feu rouge, abandonne le véhicule sur place avec les clés à l'intérieur et on le voit s'éloigner, de dos ! On apprendra rapidement que la voiture est celle dans laquelle sa femme vient de mourir d'un grave accident et que c'est sa jeune fille Alejandra qui la conduisait. Et le film regorge de scènes de ce type, sèches, brutales, muettes, sans explication. Roberto et sa fille quittent l'endroit paradisiaque où ils vivaient pour venir vivre à Mexico et tenter de faire le deuil de Lucia. C'est ainsi qu'Alejandra intègre un nouveau lycée et se fait rapidement des "amis". Alejandra est une jeune fille superbe et bien qu'adolescente, elle est brillante, intelligente mais aussi secrète et ne révèle à personne le drame qu'elle vient de vivre. Par ailleurs, bien qu'entretenant des rapports très tendres avec son père très affecté par la mort de sa femme, à aucun moment elle n'évoquera l'enfer qu'elle vit. Un soir de beuverie, elle couche avec ce qu'elle croit être un gentil garçon qui filme leurs ébats. Dès le lendemain, la vidéo fait le tour du lycée et Alejandra devient la risée de tout le monde, puis "la pute" et enfin le souffre-douleur de toute sa classe.

    Le réalisateur traite du deuil. Du fameux "travail", impossible à faire, à concevoir. Seuls ceux qui n'ont jamais vécu la mort d'un proche peuvent prétendre savoir de quoi il s'agit. Les autres s'arrangent comme ils peuvent avec l'inconcevable. Et Alejandra et son père, quoique tendrement unis, ne parlent pas de leur douleur et s'isolent chacun dans leur enfer.

    Mais le film aborde aussi et surtout le thème de la violence à l'école, du harcèlement scolaire. Et ce qu'il nous offre à voir est simplement insupportable, insoutenable. Et il vaut mieux avoir le coeur et l'estomac solidement accrochés pour résister et endurer le calvaire d'Alejandra. Pourtant Michel Franco a l'intelligence ou la décence de laisser la plupart des scènes de violence hors champs. Mais pas toutes... Il nous donne ainsi à découvrir "l'adolescent", cette variété de bipède absolument déconcertante, inarticulée et nébuleuse dans toute son épaisse monstruosité. Ceux que l'on observe ici sont au-delà de la bêtise et de la méchanceté qui les habitent. Mus selon les individus, par leur crétinerie ou une jalousie épidermique, ils font de l'insouciance, de l'inconsistance et de l'inconscience un art de vivre. A vomir.

    La dernière scène, plan séquence hallucinant, laisse le spectateur cramponné à son siège pendant plusieurs minutes.

    La petite Tessa Ia, magnifique, courageuse illumine le film de sa douloureuse présence.

  • DANS LA MAISON de François Ozon ****


    Dans la maison : photo Ernst UmhauerDans la maison : photo Fabrice LuchiniDans la maison : photo Ernst Umhauer, Fabrice Luchini

    C'est la rentrée des classes. Germain prof de français dans un lycée semble un peu plus désabusé que les autres années et que ses collègues. Et encore davantage lorsqu'il découvre accablé que le Proviseur (discours incroyable de Jean-François Balmer impayable !) entend mettre en pratique une expérience faisant du Lycée Gustave Flaubert un "pilote". Tous les elèves porteront l'uniforme dans le but de les mettre sur un pied d'égalité sans signe ostentatoire de classe sociale. Pour Germain cela donne à ces ados une apparence encore plus grégaire. Mais il n'est pas au bout de ses surprises. Pour connaître le niveau de ses élèves il leur demande de rédiger un texte où ils racontent leur dernier week end. Le résultat est affligeant de banalité et de médiocrité et Germain est persuadé de tenir la classe de seconde la plus nulle qu'il ait jamais connue. Jusqu'à ce qu'il tombe sur le texte de Claude Garcia, élève de sa classe également mais qui raconte avoir observé une famille tout l'été et avoir réussi à devenir le meilleur ami de Rapha le fils. Epaté par l'aisance, le style et l'imagination du garçon bien que choqué par la formule "le parfum particulier de la femme de la classe moyenne" le professeur l'encourage à continuer son histoire. Dès lors le jeune homme va s'ingénier à tenter de retranscrire le récit de ce qu'il observe puis d'interpréter, de modifier le sens ou le cours des événements. La perversion des faits va bouleverser l'existence de pas mal de personnes.

    Et mine de rien la construction du film est vertigineuse et m'a évoqué une oeuvre musicale, une symphonie inachevée. D'abord piano, le récit va crescendo jusqu'à atteindre une forme d'apothéose où tout n'est plus que confusion pour s'achever dans une espèce d'apaisement illusoire, un trompe l'oeil très Fenêtre sur cour où l'on se dit que le prof et l'élève, complices désormais, n'ont pas fini de sévir. Jubilatoire. A suivre... comme dirait Claude Garcia. Le jeune homme, visage d'ange, corps gracile et délicat incarne au premier abord la douceur et l'innocence. Mais parfois sur sa frimousse parfaite passe l'ombre cruelle de l'ironie. Le professeur, comme nous, se laisse prendre par cette apparence inoffensive. Et à un moment on ne sait plus qui du prof ou de l'élève manipule l'autre. Qui admire l'autre, qui le désire peut-être, ou l'idéalise ? Le professeur envie t'il son élève pour son talent, lui qui n'a réussi qu'à écrire un roman médiocre ? C'est un peu comme si Verlaine avait trouvé son Rimbaud et voulait le façonner comme il l'entend. Et les références pleuvent à chaque scène. Comment ne pas évoquer le Visiteur du Théorème de Pasolini puisque Claude parvient à tour de rôle, en fonction des exigences de son prof qui réclame un peu plus d'aspérités, d'obstacles, à séduire chaque membre de la famille très ordinaire de son copain ? D'abord le fils, Rapha, garçon quelconque, sans charme ni talent. Puis le père (Denis Ménochet, acteur impeccable et décidément "transformiste"), brave type fruste, bon père, bon mari quoique vaguement macho mais finalement fragile et harcelé dans son travail. Et la mère (Emmanuelle Seigner, insaisissable, lasse et troublante), la femme qui s'ennuie le plus sur terre et rêve de véranda, son Maison & Travaux continuellement à la main. Et Claude n'a qu'à paraître pour capter l'attention. Il trouble et ensorcelle avec un minimum d'effets (Ernst Umhauer est une révélation).

    Jamais encore il ne m'avait été donné de ressentir cette impression qu'un film s'écrit au fur et à mesure qu'on le regarde alors que le scenario est une impressionnante mécanique de précision. Ce n'est d'ailleurs sans doute pas un hasard si à un moment Germain et sa femme (Kristin Scott Thomas, sensationnelle en gérante d'une galerie d'art très spéciale, mais menacée de fermeture) vont au cinéma et s'arrêtent devant l'affiche de Match Point de Woody Allen. Leur couple d'intellos petits bourgeois, complice et finalement fragilisé ou mis à nu par l'intrusion de Claude, n'est pas sans rappeler celui que formait Woody Allen et Diane Keaton dans Meurtre mystérieux à Manhattan. On rit beaucoup à voir s'affronter leurs points de vue sur la vie, les êtres, l'art, le talent ou le génie. Et à observer leur hypocrisie aussi car le regard méprisant que porte le jeune homme sur la "famille ordinaire" reflète sans aucun doute leur propre opinion. Jusqu'où, sous prétexte de création, sont-ils capables d'aller pour que le récit de Claude devienne une oeuvre littéraire ? L'interprétation d'une oeuvre étant un des thèmes récurrent du film, notamment au travers de la galerie de la femme de Germain. On peut dire tout et n'importe quoi à propos d'une oeuvre, empiler des mot, s'extasier et parler d'art. La double apparition de Yolande Moreau en jumelles est un régal !

    Et à la question "peut-on abandonner toute morale sous prétexte de génie ?". Fabrice Lucchini répond sans hésitation "bien sûr, sinon, on ne lit pas Céline." Et l'acteur débarrassé de la moindre emphase du show man dont il est capable (un régal pour moi qui suis fan par ailleurs) est parfait dans ce rôle idéal du prof de français hyper cultivé. En rien un rôle de composition, puisqu'il empoigne sans cesse dans ce film tous les ouvrages dont il nous parle depuis des années. Flaubert en priorité. Un film qui donne envie de lire et qui brasse un nombre incalculable de thèmes sans sombrer dans un salmigondis psychologisant. Efficace, jubilatoire, cruel, immoral, simple et complexe. Le meilleur Ozon ?

    ............................................

    Et n'oubliez pas que vous pouvez poser des questions à Denis Ménochet (formidable une fois encore ici), sur ce film mais pas uniquement bien sûr. Je vous laisse jusqu'à dimanche soir, le temps pour vous de voir le film.

  • DENIS MÉNOCHET RÉPOND A NOS QUESTIONS

    Vous le savez depuis plusieurs années, Denis Ménochet est pour moi un garçon acteur indispensable. Le genre qui "grandit" de film en film.

    Vous allez me dire qu'il y a quelques garçons indispensables sur ce blog. Je suis d'accord, sauf que 99 % d'entre eux n'atteindront jamais la destination qui passe par cette route. Tans pis pour eux

    Mais parfois, miracle de la toile, des rencontres se font.

    Ce qui a attiré Denis ici c'est ce titre qu'il a découvert par l'intermédiaire de son agent. Evidemment je lui en voulais à mort un peu à cause de ceci... mais je peux être magnanime et j'ai finalement accepté sa contrition. Je vous passe les détails sur la façon dont nous nous sommes "rencontrés" car il y a de jolies choses (un peu étranges quand même) que je veux absolument garder pour moi...

    Aujourd'hui, à l'occasion du très attirant film de François Ozon dans lequel il est le mari d'Emmanuelle Seigner et qui sortira ce mercredi 10 octobre

    denis menochet,dans la maison de françois ozon,cinéma

    et en accord avec Denis qui accepte de répondre à une interview (en exclusivité mondiale) pour ce blog, je vous propose de participer à cet échange en lui posant des questions si vous le souhaitez.

    Je vous invite donc à m'envoyer vos questions à uupascale@gmail.com Je les lui soumettrai et vous livrerai ses réponses, dès que possible, car depuis des mois, tant mieux pour lui et pour nous, il enchaîne les tournages.

    Souvenons-nous que même s'il travaillait déjà depuis des années, c'est Tarantino, un américain, qui nous a mis face à ce comédien français dans un film prodigieux Inglourious basterds. Denis Ménochet partage avec Christoph Watlz, terrifiant, la capitale et exceptionnelle scène d'ouverture du film. Il est Monsieur Lapadite contraint de faire le choix de sauver sa famille ou protéger ses voisins juifs qu'il cache dans sa cave. La scène époustouflante, renversante est inoubliable et l'un des moments de bravoure du film. Au verbiage obséquieux du nazi manipulateur répondent les doutes, les silences et les larmes de Monsieur Lapadite (Denis). 

    Petite piqûre de rappel :

    Les américains ont essayé de nous piquer Denis puisqu'il a également été de l'aventure Robin des Bois de Ridley Scott (excusez du peu), mais heureusement les réalisateurs français l'ont ramené au bercail. Nous avons entre autre pu le voir en prince charmant chez Mélanie Laurent dans Les adoptés, en ex para traumatisé chez Julie Delpy dans Le Skylab, en amoureux inconsolable et maladroit chez Cécilia Rouaud dans Je me suis fait tout petit. Apparemment, il aime travailler avec des filles...

    A vos plumes claviers donc, soyez imaginatifs et drôles comme vous savez l'être afin que nous sâchions TOUT ce que nous avons toujours voulu savoir sur Denis Ménochet sans jamais oser lui demander. 

  • PAULINE DETECTIVE de Marc Fitoussi *

    Pauline détective : photo Sandrine KiberlainPauline détective : photo Claudio Santamaria, Sandrine Kiberlain

    Alors qu'elle annonce, radieuse, à son psy qu'elle cesse les séances d'analyse parce que tout va bien dans sa vie, Pauline se fait vertement plaquer par son petit ami. Désespoir de la demoiselle qui sombre au fond de son lit. C'est sa soeur qui l'en sort brutalement et l'emmène pour quinze jours de vacances dans un palace de bord de mer en Italie. Pauline, journaliste au "Nouveau détective", journal dédié aux enquêtes criminelles se trouve dès son arrivée, confrontée à la disparition d'une vieille dame dont elle a partagé la chambre la première nuit, l'hôtel étant complet...

    Que dire ? A part observer, que dis-je, admirer la superbe rouquine dans un rôle farfelu et électrique, ce gentil et joli film aux couleurs très "pétantes" (n'oubliez pas vos lunettes de soleil, ça peut piquer les yeux fragiles) est un bonbon acidulé sitôt vu, sitôt oublié. Et pourtant Sandrine Kiberlain, glamourissime, tour à tour ravissante idiote ou enquêtrice très futée est plus que parfaite. Hélas, malgré l'agitation et quelques idées originales (les inserts de couverture de journaux dès que Pauline imagine le pire, la reconstitution de la disparition de la vieille dame) le scénario tourne rapidement en rond, on somnole en rêvant de se prélasser au soleil et on ne rit même pas aux tribulations de cette grande fille sublime qui voit le crime partout.

    Dommage pour Sandrine Kiberlain vraiment formidable et en très grande forme. Mais rassurons-nous, il ne s'agit apparemment que du premier épisode des aventures de cette nouvelle fantômette...

  • ELLE S'APPELLE RUBY de Jonathan Dayton et Valérie Faris ***

     Elle s'appelle Ruby : photo Zoe KazanElle s'appelle Ruby : photo Paul Dano, Zoe KazanElle s'appelle Ruby : photo Paul Dano, Zoe Kazan

    Calvin est un tout jeune auteur désigné comme génie dès la sortie de son premier roman. Ce n'est donc rien de dire qu'il est attendu au tournant et par conséquent paralysé devant sa feuille blanche à l'idée d'écrire son deuxième ouvrage. Par ailleurs, Calvin est du genre introverti et reste sur l'échec d'une relation sentimentale décevante qui a tourné au vinaigre. Il ne lui reste que son chien Scott dont il a honte car il fait pipi comme une femelle. Pour l'inciter à trouver un sujet, son psychiatre lui demande d'écrire une page à propos d'une fille qui engagerait la conversation grâce au chien... Pourquoi pas ? Et Calvin se met à rêver chaque nuit d'une fille très jolie, très rousse. Pas très cultivée (elle ne connaît pas F; Scott Fitzgerald) mais douée en dessin. Elle est vive, gaie, Calvin la baptise Ruby et l'inspiration ressurgit. Et puis un matin, Ruby est là dans la cuisine, identique à celle du roman et du rêve. Calvin ressent la trouille de sa vie, croit être devenu fou mais doit rapidement se rendre à l'évidence, Ruby est belle et bien réelle.

    Quel bonheur ! Comme Woody Allen avait permis à Mia Farrow/Cecilia de rejoindre à travers l'écran les personnages de son film culte, les réalisateurs et leur scénariste (Zoé Kazan également interprète de Ruby) rendent réelle une créature tout droit issue de l'imagination d'un écrivain. Et cela donne un film d'amour délicieux, jubilatoire, une comédie sentimentale à des années-lumière des rom-coms traditionnelles, comme il en arrive une par décennie. Calvin et Ruby s'aiment et leur bonheur est communicatif, transcendé par le fait que Paul Dano (grande asperge "allénienne", névrosée, mal dans sa peau mais amoureux transi) et Zoé Kazan (petite fille d'Elia Kazan..., actrice, scénariste, parfaite) forment aussi un couple tout ce qu'il y a de plus charmant à la ville. L'alchimie entre les deux jeunes gens fait réellement frissonner. Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes. Calvin abandonne son roman pour se consacrer tout entier à cet amour idéal, mais le jour où sa "créature" manifeste des velléités d'indépendance, apparaît la sinistre jalousie. Il ressort sa prose du tiroir et édicte ligne par ligne le comportement de Ruby en fonction de ses souhaits. Et la comédie vire au drame.

    Dans une scène d'une cruauté folle, Calvin révèle à Ruby prête à le quitter qu'il peut lui faire faire exactement ce qu'il veut. Mais Ruby doute de ce "pouvoir", alors Calvin le lui prouve. Et ça fait mal, très mal car il pousse la démonstration jusqu'à l'humiliation. Ruby n'est plus qu'un pantin désarticulé, un objet sans volonté et tout le monde est malheureux.

    Rarement les relations entre un écrivain et son "sujet", son personnage n'ont été décrites avec à la fois autant de simplicité et de légèreté. Intelligent, lumineux et douloureux, ce film est porté par deux acteurs adorables qui rivalisent de fantaisie et de profondeur. C'est un coup de coeur, un coup au coeur... Même si, une fois de plus, il a fallu deux fins aux réalisateurs pour conclure. Mais je les comprends, ils ne pouvaient pas nous laisser aussi malheureux !

  • DO NOT DISTURB de Yvan Attal *

    Do Not Disturb : photo François Cluzet, Yvan AttalDo Not Disturb : photo François Cluzet, Laetitia Casta, Yvan AttalDo Not Disturb : photo François Cluzet, Yvan Attal

    Ben s'active conscieusement et docilement sur sa femme Anna (Laetitia Casta, magnifique) en pleine ovulation pour tenter de lui faire le bébé tant désiré. Surtout par elle évidemment. Avant l'explosion finale et fertilisante quelqu'un sonne à la porte avec beaucoup d'insistance. Il est 2 heures du matin, Ben ouvre et tombe, ou plutôt saute dans les bras de Jeff (Jean-François, mais Jeff ça le fait !) son meilleur ami à la vie à la mort parti depuis plusieurs années barouder à travers le vaste monde. Anna a vite fait de voir à quel branleur elle a affaire mais ne peut lui refuser l'hospitalité, pour une nuit, ou deux. Jeff est typiquement le genre de gars qu'on a JAMAIS envie de voir débarquer chez soi.

    Dès le lendemain, Ben se retrouve plongé dans l'insouciance de sa folle jeunesse et lors d'une soirée très arrosée chez des bobos, branchouilles, germanopratins qui se prétendent artistes (le mot est pour moi aussi vague et abstrait que "poésie") le Festival "Humpday" est évoqué. Il s'agit d'un festival annuel sis à Seattle où des amateurs sont invités à tourner un film porno. A l'issue du festival, tous les films sont détruits. C'est une démarche artistique. En souvenir de leurs études aux Beaux-Arts où ils n'ont pas réalisé d'oeuvre commune, Ben et Jeff décident de tourner un porno ensemble. Pour l'art. Deux amis hétéros qui s'aiment d'amitié virile vont donc coucher ensemble devant une caméra. C'est de l'art je vous dis ! Rendez-vous est pris pour le lendemain dans une chambre très bandante du Sofitel de la Porte de Champerret mais tout n'est pas aussi simple.

    Alors pourquoi ce film ? En gros pour rien, et ne vous attendez pas à une réflexion sur les homos, les hétéros, les doutes et le porno. Non, ce qui fonctionne ici c'est l'aspect comédie très réussi même si pas franchement light à tous les rayons. Le thème laisse de toute façon supposer que l'acteur réalisateur et ses acolytes ne vont pas faire dans la dentelle. C'est le cas. Mais j'ai ri. Beaucoup. Parce que les dialogues aux petits oignons et les situations permettent à Yvan Attal et François Cluzet, très à l'aise en slip kangourou, de jouer les crétins des Alpes (pardon aux alpinistes). Parce que malgré l'agacement provoqué par les scènes branchouilles chez les parigots nuitards, cela donne à Charlotte Gainsbourg l'occasion de faire un grand numéro de lesbienne maternante très ouverte d'esprit. Parce que le quasi caméo de Joey Starr en Alain Delon démontre une nouvelle fois quelle bête de scène et quel acteur il est.

    Et puis, François Cluzet et Yvan Attal coincés dans leur chambre d'hôtel, gênés, embarrasés et surpris par des problèmes mécaniques... eh oui, on n'a pas forcément très envie de coucher avec son meilleur ami, qui se sentent obligés de répéter qu'ils sont hétéros mais finissent par en douter, c'est drôle.

    Mais bon, Yvan Attal ne boucle pas son sujet. Disons qu'il ne va pas au fond des choses. Et son film, sitôt vu, sitôt oublié !

  • SAVAGES de Oliver Stone *

    Savages : photo Aaron Taylor-Johnson, Taylor Kitsch

    Savages : photo Benicio Del Toro

    Savages : photo John Travolta

    Ben et Chon sont amis depuis toujours. A la fin de ses études de botanistes, Ben s'est consacré à la culture du cannabis (le meilleur de Californie, Yo !) et Chon l'a rejoint après être allé casser du taliban et de l'irakien en Afghanistan et en Irak. Les deux dealers sont à la tête d'une petite entreprise très lucrative et se donnent bonne conscience en prétendant que leur business est thérapeutique. La preuve, ils sont "couverts" par un agent des stups dont la femme en phase terminale de cancer utilise leur super ganja. Une pauvre petite poupée riche et blonde qui dit oui à tout et répond au doux nom de O (comme Ophélie, la meuf bi-polaire d'Hamlet), vit avec les deux garçons. Ils sont les deux parties d'un grand tout, complémentaires et nécessaires à son bonheur. D'un côté son Bouddha, Ben le non violent avec un bandeau dans sa tignasse bouclée et de l'autre son Ninja, Chon le guerrier  avec des tatouages plein partout et le brushing ras ! Les trois chérubins s'aiment d'amour et fument des oinj entre deux parties de jambes en l'air. Chon baise et Ben fait l'amour... à l'écran on pige pas immédiatement la différence !

    Mais Patatra, la vilaine Elena, à la tête du Cartel mexicain de Baja s'intéresse au business juteux des deux lascars et leur fait une offre qu'ils ne peuvent pas refuser.

    Sauf qu'ils refusent.

    Courroux de l'Elena qui fait enlever O, la prunelle des deux minots et l'enferme sous l'oeil torve du bien barré Lado, expert en tortures, viols et autres joyeusetés. C'est dire si la pauvre O, complètement accro à la fumette et au luxe va être en manque de toute une série de choses ! Mais ses deux chéris vont rassembler leur savoir-faire et mettre tout ce qu'ils ont de cerveau disponible pour venir lui porter secours. C'est la guerre, du style "ils sont 100, nous sommes deux !!! Encerclons-les !"

    Je ne vous fais pas un crobard. Pendant deux heures c'est sexe un peu, drogue beaucoup, violence à la folie et peu de rock'n'roll et on se fout à peu près de tout ce qui se passe à l'écran, tant c'est couillon. Mais néanmoins, pas une seconde d'ennui dans ce machin survolté qui se la pète, grave ! Avec une pincée de Tueurs Nés et une autre de Platoon, Papy Stone démontre qu'il est encore et toujours un bon "faiseur" qui ne lésine pas sur les moyens pour faire flamber l'écran. Son casting trois étoiles fait le reste, même si Taylor Kitsch peut dès lors et sans rougir entrer dans le club Butler/Worthington/Statham ! Chacun vient cachetonner et faire son grand numéro de cabot qui essaie de garder la couette pour lui tout seul. Le trio Salma Hayek, Benicio Del Toro, John Travolta s'en donne à coeur joie dans des rôles de tarés XXL et c'est un régal.

    Sinon, ben sinon rien ! Et Oliver Stone se paie le luxe de rater complètement sa deuxième fin. Oui encore un film à plusieurs fins, c'est pas moi qui les invente !!! La première avait pas mal de gueule alors que la seconde, sirupeuse à souhait tend à prouver que les réalisateurs, avec l'âge deviennent vraiment trop sentimentaux.

  • CAMILLE REDOUBLE de Noémie Lvosky ***

    Camille Redouble : photo India Hair, Judith Chemla, Julia Faure, Noémie LvovskyCamille Redouble : photo Michel Vuillermoz, Noémie Lvovsky, Yolande Moreau

    En ce soir de réveillon, Camille a bu plus que de raison. Plus que d'habitude encore. Depuis la mort de sa maman, il y a 25 ans, Camille a tendance à chatouiller la dive bouteille mais cette fois, Camille est triste, malheureuse, désespérée et a mis les bouchées doubles. Eric, l'amour de sa vie la quitte pour une fille plus jeune. Assommée d'alcool, Camille s'endort et se réveille 25 ans plus tôt à l'hôpital en semi coma éthylique. Ses parents, honteux mais vivants, viennent la chercher et la ramènent à la maison. Après un temps d'adaptation Camille est bien obligée de se rendre à l'évidence. Elle a fait un retour dans le passé et doit retourner à l'école. Elle a 16 ans, retrouve ses amies d'enfance, n'a pas encore rencontré celui qui allait devenir son mari, mais aussi elle profite des dernières journées avant la mort de sa maman.

    Camille redevient ado avec sa conscience et son vécu d'adulte. C'est prodigieux. Va t'elle pouvoir "empêcher" sa maman de mourir, même si elle n'oublie pas cette fois d'enregistrer sa douce voix sur une cassette ? Va t'elle réussir à ne pas succomber à Eric pour s'éviter de souffrir 25 ans plus tard ? Mais si elle n'épouse pas Eric, sa fille ne pourra pas naître, que faire ? Pourrait-on modifier le court du temps et des événements ? Noémie Lvosky empoigne son sujet et ne le lâche pas. Elle répond à toutes les questions sans les esquiver, sans se dérober sous des artifices et sans nous jouer l'entourloupe qu'on pouvait craindre du rêve et nous asséner à la fin un décevant "ça n'a pas existé". Elle laisse même des traces de son re-passage sur terre et à ce titre, sa rencontre avec son professeur interprété par Denis Podalydès charmant et embarrassé, offre des moments particulièrement surréalistes et émouvants.

    Le film est drôle et touchant. Tout est fin, intelligent et la réalisatrice réussit la prouesse de dépeindre une jeunesse adolescente loin des clichés habituels et pourtant parfaitement réaliste et crédible. Il faut bien une actrice folle et audacieuse comme Noémie Lvosky pour choisir et risquer d'interpréter elle-même à plus de 40 ans le rôle de Camille qui en a 16. Et le pari fonctionne magnifiquement. Dans ses habits trop petits, trop fluos, ses jupes courtes et ses pataugas, son total look vintage eighty, elle n'est jamais ridicule. Elle se fond dans la masse des ados. Il faut dire aussi qu'elle s'est entourée d'un trio d'actrices Judith Chemla, India Hair, Julia Faure époustouflant, preuve qu'il est possible de trouver des actrices jeunes et très jeunes qu'on n'a pas envie d'écharper dès qu'elles apparaissent. Loin s'en faut en ce qui les concerne. Avec trois personnalités bien affirmées et totalement différentes voire opposées, elles ont chacune quelques moments de bravoure impressionnants. Mention spéciale à Julia Faure lorsqu'elle annonce à ses amies qu'elle va devenir aveugle. Retenez votre souffle, elle est étonnante, bouleversante. Il aurait été par contre plus judicieux de confier le rôle d'Eric jeune à un autre acteur car Samir Guesmi, très bien en adulte, peine un peu à jouer l'ado. Cela n'enlève rien à la justesse du film qui relate une période de la vie que tout le monde traverse forcément et où chacun pourra s'y retrouver un peu, beaucoup... et surtout imaginer de pouvoir se blottir à nouveau dans les bras de ses parents !

    Noémie Lvosky aussi bonne actrice que réalisatrice joue sur la corde sensible une partition très émouvante surtout lorsqu'il s'agit d'évoquer sa maman (Yolande Moreau, magnifique et douce !) qu'elle voudrait empêcher de mourir. Tentez de retenir vos larmes lorsqu'elle chante la Petite Cantate tiens... Mais c'est aussi follement romantique, très très drôle, fantastique, plein de nostalgie. Une vraie douceur dans un monde de barbares.

  • VOUS N'AVEZ ENCORE RIEN VU de Alain Resnais ***

    Vous n'avez encore rien vu : photo Alain ResnaisVous n'avez encore rien vu : photoVous n'avez encore rien vu : photo Alain Resnais

    Antoine d'Anthac, metteur en scène célèbre de théâtre vient de mourir. Son "majordome" annonce  la triste nouvelle par téléphone aux comédiens qui ont été ses amis. Antoine souhaite les rassembler dans son immense demeure/chateau afin que son testament leur soit révélé. En fait, il leur propose au travers d'une vidéo de visionner la captation d'une pièce jouée par une jeune troupe de théâtre "La compagnie de la Colombe". Il leur demande également de juger si cette pièce peut être adaptée par ces jeunes gens. Il s'agit en fait du montage de deux pièces de Anouilh en une : Eurydice et Cher Antoine ou l'amour raté. Tous les acteurs présents ont un jour ou l'autre interprété un rôle dans ces pièces. Ils commencent par regarder attentivement l'écran puis peu à peu se laissent prendre au "jeu", se souviennent de leur texte et se remettent à interpréter, ou se mettent à ré-interpréter leurs rôles de l'époque. Simultanément ou à tour de rôle.

    Et Alain Resnais n'en finit plus d'inventer ou de réinventer le cinéma. Un cinéma unique, insensé, original que personne n'a osé, auquel personne n'a pensé. En tout cas que personne n'a tenté. Et c'est tant mieux, pour nous. Car que voit-on à l'écran ? Pas uniquement une réalisation fluide et magistrale qui alterne cinéma et théâtre dans des décors somptueux qui s'adaptent, se transforment en fonction de la progression de l'intrigue. Mais aussi trois générations d'acteurs qui profèrent le même texte, les mêmes répliques selon leur propre vision ou interprétation des personnages. Et cela donne des variations saisissantes en fonction des personnalités des comédiens.

    Une seule réserve... non, deux, m'empêchent d'octroyer les **** que ce film a frôlées. D'abord, la longueur ! La pièce est sans doute présentée dans son intégralité et le troisième acte, souvent hystérique, offre à Sabine Azéma et Anne Consigny (grande pleureuse devant l'Eternel) l'occasion de se vautrer avec beaucoup d'abandon et de délices dans une agitation lacrymale qui finit par devenir horripilante. Il faut dire qu'Eurydice n'est pas une fille simple, en plus d'être bi-polaire. Quelle emmerdeuse !!! Ensuite, la première fin (oui, je suis championne pour déceler plusieurs fins aux films !) que j'ai trouvée aberrante voire ignoble... on ne fait pas "ça" à des amis. Mais la fin finale rattrape ce moment désagréable...

    Quant aux acteurs, moi qui aime les performances, c'est un festin. Contrairement à ce que j'ai lu, je n'ai pas trouvé la pièce excécrable, au contraire. Et surtout, le texte est sublime et restitué avec beaucoup d'intensité et de gourmandise par des acteurs qui n'ont plus l'âge des rôles. Mais la magie du scenario rend justement cet anachronisme crédible. Ils sont absolument tous formidables. Même ceux qui n'ont que quelques répliques comme Jean-Noël Brouté, incroyablement émouvant en amoureux inconsolable. Mes coups de coeur vont à Lambert Wilson vibrant comme jamais, Mathieu Amalric toujours impayable en Cassandre et Michel Piccoli, l'acteur de rêve !