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4 ** POURQUOI PAS ? - Page 37

  • MARTHA MARCY MAY MARLENE de Sean Durkin **

    Martha Marcy May Marlene : photo John Hawkes, Sean DurkinMartha Marcy May Marlene : photo Elizabeth Olsen, John Hawkes, Sean DurkinMartha Marcy May Marlene : photo Sean Durkin

    Martha s'échappe d'une ferme où elle vivait depuis deux ans dans une communauté aux gentilles allures hippies. Au premier abord tout le monde semble effectivement "heureux" et consentant à l'intérieur de cette ferme autogérée où tous les membres participent en alternance à tous les travaux. Il s'agit en fait d'une secte dont le leader Patrick, calme, tendre et charismatique asservit tous les locataires. Martha réussit à joindre sa soeur Lucy qui la recueille sans hésiter. La jeune femme fait des efforts considérables pour tenter de se réinsérer et se rétablir moralement mais ce qu'elle a vécu la hante et la perturbe de plus en plus.

    Par bribes nous découvrirons la face cachée de ce Patrick et la façon dont il anéantit la personnalité des jeunes filles forcément fragiles qu'il accueille. Un repas par jour, l'obligation de passer par son lit, cette ordure leur écrit des chansons, leur assure que chacune est sa préférée et leur assène un discours sur l'amour et la tolérance à gerber. Il leur affirme que leur prénom ne leur convient pas. C'est ainsi que Martha devient Marcy May puis Marlène selon le bon vouloir de Patrick. Il les rend dépendantes au point qu'elles ne peuvent plus rien décider seules. Elles sont littéralement parquées la nuit dans une seule et même pièce ou elles partagent les matelas déposés à même le sol. Parfois les rares garçons de la secte viennent les rejoindre et Patrick assiste à leurs ébats. Ambiance.

    Martha ne parvient pas à révéler à sa soeur ce qu'elle a vécu et s'enferme progressivement dans une paranoïa où elle ne distingue plus la réalité de ses cauchemars. Malgré sa bonne volonté, la soeur finit par ne plus pouvoir "gérer" Martha qui devient imprévisible, parfois agressive et incapable d'agir sans demander la permission. Le beau visage d'Elizabeth Olsen est un livre ouvert sur lequel passe toutes les émotions et sensations qu'un être humain peut ressentir jusqu'à la régression. De la confiance d'abord, au doute jusqu'à la terreur.

    PS. : vous savez que je ne suis pas moqueuse pour deux sous mais par contre je suis très généreuse et c'est ainsi que je tiens absolument à vous faire partager un avis sur ce film qui me semble éclaircir bien des zones d'ombre. Si vous ne comprenez pas, hélas je n'ai pas la traduction. Mais vous pouvez trouver l'article entier ICI. Un régal.

    "Petite coquetterie formelle d'autant plus fumeuse qu'elle est peureuse, "Martha Marcy May Marlene" semble finalement engoncé comme son couple dans un certain american way of filmmaking, maniérisme sundancien relevé à la sauce psychologisante."
    Alors vous en dites quoi ? ça en jette non ?
  • OSLO, 31 août de Joachim Trier **

    Oslo, 31 août : photo

     Oslo, 31 août : photo

    En cure de désintoxication, Anders obtient une "permission" afin de se rendre à un entretien d'embauche. Tout au long de la journée, avant et après son rendez-vous, il va faire des rencontres, retrouver des amis, tenter d'en revoir d'autres, contacter un ancien amour, sa soeur, régler des problèmes familiaux, vider la maison des parents... toute une vie en une journée pour se diriger lentement, inéluctablement vers un choix décisif.

    On apprendra peu de choses d'Anders. Et surtout pas comment il est devenu toxicomane. Il ne ressemble pas aux drogués présentés habituellement au cinéma. Il fait partie de la "classe moyenne", il est cultivé et avait un métier. Ce n'est ni un junkie perdu ni un toxico riche et égaré.  Quelques bribes du passé nous le rendront familier. La première scène silencieuse et glaçante le présente armé d'une grande détermination. Lestant ses poches de pierres, il s'avance sans la moindre hésitation dans un étang. Il s'enfonce, disparaît et refait brusquement surface. Il sort de l'eau comme accablé de ne pouvoir lutter contre cet instinct de survie. Cette journée il va donc la vivre et tanguer constamment entre l'espoir et l'abattement. Un téléphone dont il ne peut obtenir que la boîte vocale, un entretien qui va tourner court, le regard des autres tour à tour complices ou accusateurs, une rencontre inespérée... tous les micro événements de ce 31 août vont orienter Anders vers un choix déterminant, définitif mais aussi le faire hésiter.

    Cette lente et douloureuse errance à travers Oslo est entièrement portée par un acteur magnifique d'une tristesse insondable dont le visage s'éclaire à de rares et précieux moments d'un sourire désarmant.

  • LES INFIDELES de Jean Dujardin, Gilles Lellouche, Emmanuelle Bercot, Fred Cavayé, Eric Lartigau, Michel Hazanavicius, Alexandre Courtès **

    Les Infidèles : photo Alexandre Courtès, Emmanuelle Bercot, Eric Lartigau, Fred Cavayé, Gilles LelloucheLes Infidèles : photo Alexandra Lamy, Alexandre Courtès, Emmanuelle Bercot, Eric Lartigau, Fred CavayéLes Infidèles : photo Alexandre Courtès, Emmanuelle Bercot, Eric Lartigau, Fred Cavayé, Gilles Lellouche

    Le couple est-il synonyme d'infidélité(s) ? Oui répondent en choeur les 7 réalisateurs de ce film à sketches. Mais ce sont ici les hommes qui ont l'adultère et la trahison chevillés au corps. Je reconnais que j'allais un peu à reculons vers ce film car j'en ai vraiment plus qu'assez de la misogynie ambiante au cinéma, de l'image véhiculée sur les femmes (surtout les jeunes) par les réalisateurs avec la complicité des filles elles-mêmes tellement préoccupées par leur apparence et j'en passe (on n'est pas à un congrès du MLF). Mais contrairement à ce que j'imaginais et malgré les lourdeurs, les caricatures, j'ai ri et même souvent. Et il ne s'agit pas uniquement ici de rire DE, mais de rire AVEC. Bien sûr la plupart du temps, la caricature extrême fait plonger les hommes dans un ridicule sans fonds mais franchement, c'est parfois pas mal observé surtout lorsque ces chers machos se prennent pour des séducteurs irrésistibles. On sait de tout temps qu'un homme qui multiplie les conquêtes est un Don Juan, un tombeur, un bourreau des coeurs et qu'une femme atteinte du même symptome de conquérante est une salope, une nymphomane. C'est comme ça ! Qu'à cela ne tienne, je devais être de bonne humeur car je n'ai pas éprouvé ce sentiment de déséquilibre. Et si les hommes sont ici risibles et consternants dans leur addiction, j'ai trouvé que les femmes réagissaient plutôt avec fermeté à leurs petites bassesses et autres tromperies.

    Comme tout film à sketches il est forcément inégal. Le tort dans ce genre d'entreprise est de se réclamer forcément et systématiquement de Dino Risi et de ses Monstres ou d'Ettore Scola. Car si je tiens Jean Dujardin pour un merveilleux acteur, est-ce que Gilles Lellouche peut se réclamer de Vittorio Gassman, de Nino Manfredi ou Ugo Tognazzi ? Faut pas pousser mémère et je compte parmi mes films cultes "Nous nous sommes tant aimés" qui me fait toujours fondre en larmes de bonheur. Je n'imagine pas que ce film ci puisse devenir culte malgré de vraiment bons moments et même un sommet !

    La partie Manu Payet addict aux femmes du troisième âge coquines et S.M. ne m'a nullement convaincue ni même tiré un sourire compte tenu de la chute du sketche. Et puis Manu Payet... bon passons ! L'épilogue à Las Vegas tourne à la grosse poilade et au big porte nawak où il n'y a plus que les acteurs qui s'amusent. Gilles Lellouche aux urgences, "coincés" à l'intérieur d'une fille est l'apothéose de la bêtise et de la vulgarité. Ce qui fait quand même un score de 3 sketches qui sont d'après moi ratés.

    Il reste la virée pathétique des deux amis qui bien que mariés et père de famille pour l'un ne peuvent s'abstenir de sortir chaque nuit et de se retrouver immanquablement le matin, à l'heure où les "balayeurs sont plein de balais", plutôt insatisfaits. La vacuité de leurs bordées régulières démontrent comme jamais à quel point la chair peut être triste et "l'ennui désolé par de cruels espoirs". Mufles de façon extraordinaire ils parlent constamment de leurs légitimes à leurs conquêtes d'un soir.Le séminaire plus vrai que nature d'une entreprise dans un hôtel*** où Jean Dujardin, le sourcil épais, le bide flasque tente en vain jusqu'au petit jour de trouver une femme pour passer la nuit avec lui. Ses tentatives grotesques pour séduire, être drôle le conduiront à se comporter en gamin avec une collègue gentille et très patiente qu'il a quelques heures plus tôt insulter  sont navrantes. Et Jean Dujardin n'a pas son pareil pour jouer les abrutis sans avoir l'air de forcer. La liaison qui finit par le dépasser d'un dentiste bientôt quarantenaire et d'une jeunette de 19 ans qui refuse de se laisser soumettre. L'épisode des "Infidèles anonymes" qui réunit tous les participants de chaque sketche avec Sandrine Kiberlain (tordante et excellente) en animatrice autoritaire de ces "malades" dont Guillaume Canet, hilarant et fayot qui en est à sa 8ème tentative de désyntox.

    Et surtout, surtout, et sans vouloir être rabat-joie, l'épisode intitulé "La question", le seul réalisé par une femme, Emmanuelle Bercot est de loin le meilleur. Il n'est pas seulement le meilleur à l'intérieur du film mais vraiment d'une qualité exceptionnelle. Un couple rentre chez lui après une soirée chez un couple d'amis dont l'homme, infidèle compulsif, évoque ses conquêtes à voix basse pendant que sa femme s'affaire en cuisine. Devant la muflerie de cette attitude Alex... euh Lisa demande à son Jeannot de se parler franchement dès leur retour à la maison. Elle l'assure que leurs 15 ans de vie commune auront raison d'un coup de griffe dans le contrat, d'autant que le temps a sûrement passé sur cette incartade. Mauvaise idée. Et c'est à un véritable "Qui a peur de Virginia Woolf" auquel on assiste. Et si le propos est particulièrement bien observé (la femme dit "qu'est-ce qu'elle avait de plus que moi ?" et l'homme "il baisait mieux que moi ?") et filmé, les deux acteurs en présence : Notre Loulou et Notre Chouchou sont absolument prodigieux et je pèse mes mots. Alexandra Lamy merveilleuse, profonde et intelligente se décompose littéralement sous nos yeux. Et Notre Jeannot beau comme jamais fait preuve d'une mauvaise foi (ça, on a l'habitude) et d'une violence dont on ne l'imaginait pas capable. La complicité, le timing du couple font une fois encore, comme au temps d'Un gars une fille, vraiment des merveilles dans un registre tout à fait inédit.

  • INGRID JONKER de Paula Van Der Oest **

    ingrid jonker de paula van der oest,carice van houten,rutger hauer,liam cunningham

    INGRID JONKER de Paula Van Der Oest, carice van houten, rutger hauer, liam cunningham,

    Un homme sauve une jeune femme en train de se noyer dans les eaux limpides et tumultueuses de l'Océan Atlantique en Afrique du Sud. Hasard et coïncidence, il s'agit de l'écrivain alors célèbre Jack Cope et de la poète Ingrid Jonker. Le coup de foudre est immédiat. Ingrid a lu cinq fois le roman de Jack. Elle lui écrit un poème, il n'en revient pas et malgré la différence d'âge l'installe illico avec son bébé Simone dans son bungalow au bord de l'océan. Le milieu intello du Cap des années 60 ressemblerait presque à tous les milieux intellos du monde si l'apartheid ne sévissait dans le pays faisant souvent de ces artistes des personnalités engagées contre le régime. L'idylle idéale des deux amants est de courte durée car Ingrid souffre de traumatismes durablement installés depuis l'enfance. Sa mère est morte, sa grand-mère l'a élevée jusqu'à ses six ans. A la mort de cette dernière elle est retournée vivre chez son père, député du parti national, qui l'installe dans les logements des domestiques. Toute jeune déjà elle écrit des poèmes sur les murs de sa chambre et n'aura de cesse de se faire aimer et de tenter de faire apprécier son travail à son père. Mais, Ministre de la Censure, il ne reconnaîtra jamais ni son travail, ni son talent. Désespérée d'être rejetée, déclarée "épuisante" par ses amants, anéantie par un avortement et les injustices dans son pays, elle sombre peu à peu dans la dépression et malgré ses tentatives pour s'en sortir, dans la folie.

    Découvrir grâce au cinéma des personnalités de la littérature mondiale m'attire toujours. D'ailleurs, contrairement à des, je ne suis nullement allergique aux biopics. La personnalité tourmentée et attachante d'Ingrid Jonker doit beaucoup au choix de l'actrice, une des meilleures actuelles selon moi, mais trop rare, Carice Van Houten qui sait effectivement être "épuisante" dans ses exigences et sautes d'humeur et très émouvante dans sa quête toujours inassouvie d'amour. La cruauté avec laquelle son père (Rutger Hauer, formidablement, gratuitement, inutilement méchant) la rabroue et la dévalorise sans cesse est étonnante. Mais il est dommage que la réalisatrice ait accordé tant de place aux épisodes amoureux de la poète même s'ils sont fondateurs de son oeuvre, délaissant son côté fortement engagé. Elle était une opposante au régime en place, défendait les droits des noirs et des femmes et c'est à peine évoqué ici. On la voit effectivement s'effondrer devant le meurtre perpétré sous ses yeux d'un enfant par les policiers blancs lors d'une manifestation. Cela occasionnera chez elle des nuits sans sommeil et l'écriture de son poème "L'enfant n'est pas mort" que Nelson Mandela lira lors de son investiture en 1994.

    Reste la présence de deux acteurs magnifiques. Carice Van Houtten donc, belle et indomptable mais fragile. Et Liam Cunningham dont il faut enfin l'imagination d'une réalisatrice qui a vu qu'il pouvait être autre chose qu'un activiste de l'IRA mais aussi un bel homme séduisant et intellectuel.

  • LA DAME DE FER de Phylida Loyd **

    La Dame de fer : photo Phyllida LloydLa Dame de fer : photo Phyllida LloydLa Dame de fer : photo Phyllida Lloyd

    Maggie est une petite mamie un peu ratatinée qui va acheter son demi litre de lait à l'épicerie du coin avec son foulard sur la tête. Personne ne la remarque ni ne la reconnaît, de jeunes malappris la bousculent un peu et elle s'étonne que le prix de son demi litre de lait a encore augmenté. Lorsqu'elle rentre chez elle, Maggie se fait houspiller par sa fille et son intendante car il lui est interdit de sortir seule. Alors la vieille dame s'enferme dans sa chambre ou son bureau et comme elle perd un peu la boule, elle se met à discutallier ferme avec Denis, son défunt mari ! Ce pourrait être touchant si cette gentille mémée n'avait été dans une autre vie, un autre temps la terrible "dame de fer" Margaret Thatcher.

    Ce film est fatigant car il est agité et bizarrement construit et le prétexte pour amener "la Baronne" à évoquer ses souvenirs, un peu artificiel. Mme Thatcher doit se débarasser des effets personnels de son mari chéri et c'est un crève-coeur, d'autant que ce brave Denis présenté la plupart du temps comme un bouffon grotesque, ne cesse d'apparaître à Margaret qui sursaute fréquemment. Cette façon de surgir à intervalles réguliers est agaçante et le pauvre Jim Broadbent est contraint la plupart du temps de faire le fantôme en arrière-plan en costume de parade, un verre à la main, en robe de chambre ou en train de cirer ses chaussures. Ridicule. Mais au premier plan, il y a Margaret Thatcher dont on ne cesse de chercher Meryl la grande, la divine Méryl sous le couscous ! Quel courage ! Quand je serai actrice Si j'avais été actrice, j'aurais seulement voulu être une Princesse moi, de Galles ou d'ailleurs, qu'on m'embellisse, qu'on me photoshopise et pas disparaître sous des couches de latex et une mise en pli haut de forme cartonnée et laquée à outrance ! Ah ! la coiffure de Madame Thatcher, quelle institution ! Et bien croyez-le ou pas ce sont des conseillers en communication qui l'ont imposée. Avant cela, elle avait des cheveux tout à fait normaux.

    Il y a des choses que l'on sait. Margaret Thatcher a été le Premier Ministre du Royaume-Uni  de 1979 à 1990 et pour faire vite, si le niveau de vie s'est amélioré durant les années Thatcher, les inégalités, les écarts se sont encore accrus. En un mot, les plus riches sont encore plus riches et les plus pauvres encore plus pauvres. Le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté n'a cessé de croître. De cela, il n'est pas question ici. On voit évidemment à deux reprises que la côte de popularité de la dame baisse mais elle remonte notablement après la "Guerre des Malouines" qui lui a permis d'assouvir ses instincts bellicistes. Gérée d'une main de fer comme il se doit, la "crise" a été matée en quelques semaines. Et Mme Thatcher de se réjouir que ce sont les électeurs qui lui donneront trois fois la majorité. De la main tendue à Pinochet on ne souffle mot. Qu'elle ait laissé crever de faim Michaël Fassbender des membres de l'IRA dans leurs cellules n'est effleuré que par quelques banderolles lors d'une manifestation, et il faut tendre l'oreille pour entendre prononcer le nom de Bobby Sands.

    Ce film fait de Margaret Thatcher une femme de milieu modeste qui a dû se battre pour réaliser ses ambitions, et un modèle d'en être arrivée là où elle en est arrivée, seule, par son travail, son acharnement dans un environnement masculin peu favorable à l'ascension d'une femme. Evidemment on ne doute pas un instant, comme c'est le cas pour toutes les femmes qui exercent des fonctions majoritairement réservées aux hommes, que sa "réussite" soit l'aboutissement et le fruit de sacrifices, d'un tempérament et d'une intelligence hors du commun. Mais faire de Margaret Thatcher une femme amoureuse qui a lutté, qui fut trahie et d'enfoncer le clou en nous la présentant affaiblie, diminuée, craignant Alzheimer, est un tantinet gênant.

    Remercions la peut-être de permettre à Ken Loach de s'exprimer avec tant de coeur et de véhémence. Quant à Méryl, la grande, l'impériale Méryl, sa performane est au-delà des mots mais personnellement j'ai plutôt hâte de la retrouver sous sa véritable apparence.

  • LA VIE D'UNE AUTRE de Sylvie Testud **

    La Vie d'une autre : photo Mathieu Kassovitz, Sylvie TestudLa Vie d'une autre : photo Juliette Binoche, Mathieu Kassovitz, Sylvie Testud, Yvi Dachary-Le Beon

    La Vie d'une autre : photo Mathieu Kassovitz, Sylvie Testud

    Marie se réveille molle et alanguie après une folle et intense nuit d'amour avec son amoureux Paul. En se levant, elle ne reconnaît pas cet appartement immense et luxueux. Elle fait la connaissance de son fils et apprend qu'elle est mariée avec Paul depuis 15 ans mais qu'ils sont sur le point de divorcer. 15 années de la vie de Marie se sont envolées en une nuit sans explication. Que s'est-il passé pendant ces 15 ans ? Manifestement, Paul et Marie ont réalisé ses rêves pour lui, ses ambitions pour elle. Il est en train de devenir un auteur de BD à succès, elle est numéro deux d'une grande entreprise. Mais Marie découvre peu à peu que, même si tout le monde la respecte et l'admire, elle est surtout crainte et n'a aucun ami. Et comme elle se retrouve dans la peau de la jeune femme romantique et amoureuse de 25 ans, elle va devoir reconquérir son Paul chéri qui a un peu de mal à croire en la résurrection de la Marie qu'il a tant aimée.

    Alors je sais, ON va se moquer et on va sans doute me dire "plutôt mourir que d'aller voir ça". Tant pis j'affronterai les ricanements avec stoïcisme. Mais oui, j'ai été émue et j'ai même eu ma larmichette je crois car la Juliette tirerait des larmes à un caillou. Cela dit l'émotion n'arrive que dans le tout dernier quart d'heure qui cesse d'être une farce mais un drame. Revirement total, définitif et beaucoup plus en accord avec le thème du film. Comment fait-on pour changer autant ? Devenir froide, carriériste alors qu'on était juste ambitieuse ? Peut-on avoir été quelqu'un de bien et devenir cette quarantenaire puante que tout le monde salue en longeant les murs ? S'éloigner, se désintéresser de tous les gens qu'on a aimés et qui vous aiment uniquement pour réussir ? Etc.

    Mais pour parvenir à cette jolie dernière partie, il faut résister à la première (néanmoins éclairée par instants par Mathieu Kassovitz, acteur merveilleux, complètement en accord avec son rôle lui !) où Juliette Binoche démontre avec force roulement de billes, démarche de soûlotte et quelques "putains" lâchés par ci par là, qu'elle n'est décidément pas une reine de comédie. Les premières minutes sont catastrophiques, Juliette joue comme Sylvie (Testud) et ça ne lui va pas du tout. Lorsqu'elle découvre son compte en banque, sa BM, la mort de Michaël Jackson, l'Euro, Barack Obama... je n'hésite pas, elle est ridicule. Par contre quand le drame émerge logiquement de cette situation pas ordinaire (comment ne pas passer pour une folle ? que sont devenus les parents ?..), on retrouve Juliette actrice dramatique donc et surtout le film et l'histoire prennent toute leur dimension lorsqu'enfin Paul et Marie se parlent. C'est autour d'eux que Sylvie Testud aurait dû se concentrer et se laisser aller à filmer une grande histoire d'amour en train de se réinventer. Au lieu de cela, elle a batifolé du côté de la comédie sentimentale gentillette avec environnement digne des romcoms américaines. Nan mais je vous jure leur appartement... jamais on n'a vu ça. Si la Tour Eiffel tombe, c'est direct dans leur salon au milieu duquel trône un arbre, un vrai ! Et je ne dis rien de la renaissance de Marie qui réapprend le bonheur sans nom de porter des chaussures à semelles rouges !!! Nul et hors sujet !

    Sinon, donc, je vous le dis, il y a Mathieu Kassovitz, malheureux comme les pierres qui ne comprend rien à rien à ce qui lui arrive. Il est beau, il est charmant, il est touchant, il a tout compris, il est FORMIDABLE !

  • ANOTHER HAPPY DAY de Sam Levinson ** (***** pour Ezra Miller, *** pour Demi Moore)

    Another Happy Day : photo Ezra Miller, Sam LevinsonAnother Happy Day : photo Demi Moore, Sam LevinsonAnother Happy Day : photo Ellen Barkin, Sam Levinson

    Est-ce que toutes les tares, maladies, travers et imperfections humaines, génétiques ou pas, peuvent se rassembler en une seule et même famille ? Oui, nous répond Sam -fils de Barry Good Morning Vietnam- Levinson sans plier les genoux. Si le jeune réalisateur de 26 ans avait des comptes à régler avec sa propre famille, il vient d'économiser quelques années de psychanalyse avec ce premier film où s'empilent pathologies chroniques, hystérie collective, cruauté incorrigible et bêtise incurable. Pour ceux qui comme moi considèrent le "groupe" ou la famille comme le lieu idéal où peut s'exprimer et se concentrer toute la méchanceté, tout le crétinisme de la planète et provoquer ainsi des souffrances profondes, ce film sera leur bible ! Et on appréciera au passage toute l'ironie du titre.

    Mais alors pourquoi tous ces gens se fréquentent-ils ? Ont-ils, en plus de leur déficience mentale manifeste, perdu tout libre arbitre leur permettant de dire : STOP ! Evidemment, s'ils exprimaient ce pouvoir de dire non, il n'y aurait pas de film et ce serait un peu dommage de ne pouvoir contempler ce grandiose jeu de massacre, ce mini Festen à l'américaine...

    Mais venons en au cas de la famille Hellman. Passons sur le milieu social, ça n'intéresse pas Sam Levinson. Ces gens sont "pétés de thunes" et ce n'est pas le propos. Pour tenter de voir dans quel imbroglio on met les pieds, je me dois de vous présenter Lynn. Lynn a été mariée à Paul dont elle a eu deux enfants, Dylan (qui se marie) et Alice. Paul a prié brutalement Lynn de quitter la maison. Il a gardé Dylan qui va très bien merci (et se marie) et Alice est restée avec sa mère. Alice va très mal et s'inflige scarifications et entailles depuis des années. La grande question est : Alice viendra t'elle au mariage de son frère et ainsi reverra son père plus vu depuis des années ? Lynn s'est mariée une nouvelle fois avec Lee, un type complètement ailleurs qui ne s'intéresse absolument pas à tous les drames qui l'entourent. Parfois il fait rire Lynn au lit et du coup elle a eu deux autres fils. Ben, atteint du syndrome d'Asperger, et Elliot (Ezra-graine de star-Miller) qui à 17 ans en est à sa quatrième cure de désyntox et souffre quant à lui du syndrome Gilles de la Tourette (permettant ainsi à Ezra Miller de déverser avec brio ses flots d'injures à sa mère, un régal !) associé à des crises d'angoisse et de panique fulgurantes. Il y remédie en ingurgitant tout ce qui lui passe sous la main de drogues, médicaments, alcools... N'en jetez plus la cour est pleine ? Que nenni ! Lynn, très tendue, se rend chez ses parents où toute la famille doit se retrouver pendant tout un week end pour célébrer le mariage de Dylan. La mère de Lynn semble avoir toujours rejeté sa fille qui ne comprend pas pourquoi alors qu'elle même rejette son fils autiste... Le père est cardiaque et manifestement en train de perdre la boule. Il disparaît parfois à la grande inquiétude de tout le monde ou se fige en état de catalepsie. Les soeurs de Lynn sont des mégères stupides, laides, haineuses et envieuses. Leurs enfants, des tarés vulgaires et obsédés. Il ne manque plus que Paul (l'ex mari) un beauf marié à une poupée qui le domine !

    Et voilà, tout ce joli monde va pouvoir déverser ses rancoeurs, sa haine, sa bile, ses moqueries et se détruire sous nos yeux ébahis.

    Ce qui frappe au premier abord c'est la battle de chirurgie esthétique. A ma droite la chirurgie réussie : Demi Moore est une splendeur. A ma gauche la chirurgie abusive et totalement ratée de Ellen Barkin. Regarder son visage est une véritable épreuve et il est difficile de comprendre comment un réalisateur peut avoir plaisir à la filmer. Elle fait peur. Quant à son jeu, je pensais que Keyra Knightley était la plus mauvaise actrice de tous les temps, une sorte de Gérard Butler au féminin, mais non, Ellen Barkin la devance en années certes mais aussi en jeu outré et complètement à côté de la plaque. Evidemment son personnage va mal, mais elle n'a aucune scène sans larmes ni tremblement ce qui la rend absolument invraisemblable et surtout, jamais touchante. On a plutôt tendance à croire qu'elle est bonne pour le cabanon et la camisole !

    Que reste t'il me direz-vous ? J'y viens.

    Il reste Demi Moore garce intégrale et poupée barbie hypnotisante (quand elle est à l'écran on ne voit qu'elle). Elle est parfaite et je ne parle pas que de son physique mais aussi de ses qualités d'actrice... et sa voix !

    Mais surtout, surtout, il y a Ezra Miller, déjà particulièrement génial et terrifiant en Kevin il démontre à nouveau ici quel grand acteur il va être, il est déjà. Le réalisateur semble s'être particulièrement intéressé à son "cas" et a soigné chacune de ses apparitions, heureusement très nombreuses, et de ses répliques. Il semble déjà avoir tout compris et intégré du jeu d'acteur et connaître parfaitement l'effet spécial qu'est son incroyable visage. Il peut être un ange et un démon dans le même plan et faire de son regard une arme de destruction massive.

    Le film c'est POUR LUI qu'il faut le voir et vous ne pourrez plus vous en passer.

    Et les Gaël Labanti qui prétendront encore que je n'aime pas les ados n'auront qu'à dorénavant me parler d'Ezra Miller ! Merci.

  • GO GO TALES de Abel Ferrara **

    Go Go Tales : photo Abel FerraraGo Go Tales : photo Abel Ferrara, Bob Hoskins, Matthew ModineGo Go Tales : photo Abel Ferrara, Asia Argento

    Ray Ruby est le gérant d'un cabaret de Manhattan où s'exhibent de jolies go go danseuses qui rêvent qu'un producteur, un agent, un impresario les remarque. Mais Ray ne sait pas gérer son "affaire". Il doit de l'argent à tout le monde, notamment à ses danseuses qu'il oublie de payer et qui menacent de faire grève, à sa propriétaire à qui il doit quatre mois de loyer et qui menace de fermer l'établissement. Alors Ray joue à la loterie et gagne une prodigieuse somme d'argent. Hélas, il a égaré le billet gagnant !

    Evidemment on est à des années lumières du somptueux et ténébreux "Nos funérailles" (16 ans déjà !) mais il n'empêche que cette sucrerie vaguement champagnisée où de jolies filles se désapent en rêvant à un avenir meilleur (où simplement à obtenir leur salaire) est une récréation où l'on rit beaucoup. Il faut dire que cette journée au "Paradise" est riche en rebondissements. Et surtout les acteurs en profitent pour faire leur show. Willem Dafoe cabotine à la perfection. Bob Hoskins itou. Asia Argento est parfaitement à l'aise à la barre... et fidèle à sa trashitude nous régale d'un french kiss peu ragoûtant avec un chien (parfois je peux comprendre le salaire des actrices !!!). Riccardo Scamarcio est tordant dans un numéro d'italien macho. Et quel plaisir de retrouver Matthew Modine (je ne comprends rien à la carrière merdique de cette acteur qui aurait dû s'envoler vers des sommets...) en coiffeur blond peroxydé, un chiwawa greffé à sa main gauche !

  • ET SI ON VIVAIT TOUS ENSEMBLE ? de Stéphane Robelin **

    Et si on vivait tous ensemble ? : photo Claude Rich, Guy Bedos, Pierre Richard, Stéphane RobelinEt si on vivait tous ensemble ? : photo Claude Rich, Geraldine Chaplin, Jane Fonda, Stéphane Robelin

    Et si on vivait tous ensemble ? : photo Jane Fonda, Pierre Richard, Stéphane Robelin

    3 hommes et 2 femmes sont amis depuis des années, des décennies même. Leur particularité est d'avoir entre 70 et 80 ans environ. Mais leur amitié n'a jamais été entamée, ni par les années qui s'accumulent ni par les quelques coups de canif dans certains contrats comme nous l'apprendrons au cours de l'histoire. Suite à un ennui cardiaque Claude est "placé" dans une maison de retraite par son grand fils de 50 ans qui s'inquiète. En lui rendant visite, ses amis réalisent qu'il est dans un mouroir et refusent de l'y laisser. Ils décident donc, pour prendre soin des uns et des autres, de s'installer tous ensemble dans la grande maison de Jean et Annie avec Jeanne et Albert qui lui, commence à perdre un peu la carte...

    Ce film serait presque une bouffée d'air pur s'il ne fichait autant le cafard et après avoir vu l'horreur qui parle des 30/40 ans récemment, loin de moi l'idée de faire du "vieillisme" pour contrer le jeunisme ambiant ! Il n'en demeure pas moins que le film précédent m'a semblé interminable alors que j'ai passé 1 h 36 formidable en compagnie de ces vieux. Car ici, même si la réalisation n'a rien de révolutionnaire, les thèmes abordés sont pour le moins largement tabous au cinéma et on ne prend pas de gants mapa (ceux qui ont vu l'horreur comprendront !!!) pour appeler un vieux un vieux ! Car c'est ce qu'ils sont ces 5 là, vieux, voire très et pas bien en forme pour certains. Alors évidemment cette chronique manque de rythme mais le tempo est largement compensé par l'énergie du casting quatre étoiles réjouissant qui n'éprouve aucun embarras à parler parfois crûment de la sexualité de leur troisième quatrième âge, de la mort, de leur "avenir" à très court terme... Cela brise le coeur parfois car il me semble difficile de ne pas s'identifier ou identifier une situation que chacun peut connaître et que la société et la famille ne résolvent pas.

    Néanmoins, cela fait un bien fou de retrouver Claude Rich en vieux bourreau des coeurs qui s'interroge encore sur son pouvoir de séduction, le lunaire Pierre Richard tout perdu et aux prises avec une mémoire qui décline de jour en jour, Guy Bedos qui n'a rien perdu de sa colère militante, Géraldine Chaplin adorable vieille dame qui emploie encore les artifices d'une jeûnette pour calmer son colérique époux, et puis Jane Fonda si belle, si positive qui envisage la mort en souriant, mais dans un joli cercueil rose.

  • PARLEZ-MOI DE VOUS de Pierre Pinaud **

    Parlez-moi de vous : photo Pierre PinaudParlez-moi de vous : photo Karin Viard, Pierre Pinaud

    Mélina est la très particulière voix de la nuit d'une grande radio de France. Elle écoute, rassure, conseille, console ces auditeurs qui l'appellent et lui confient à l'antenne leurs peines, leurs craintes, leurs espoirs. Elle est optimiste, enjouée, chaleureuse et fait montre d'une empathie démesurée et sincère. Elle tient absolument à garder son anonymat. Personne ne connaît son visage ni son nom. Dès qu'elle quitte la radio Mélina qui est en fait Claire, se transforme en un personnage froid et solitaire qui a développé des tocs qui l'isolent totalement de ses semblables humains. Bien qu'elle vive dans un superbe appartement d'un quartier chic, Claire s'enferme la nuit dans un placard entourée des quelques souvenirs de son enfance. C'est cette enfance meurtrie qui l'a exclue du monde. En retrouvant la trace de sa mère qui l'a abandonnée 40 ans plus tôt, Claire va découvrir, sans se faire connaître, une famille  nombreuse, recomposée et exhubérante qui vit en banlieue. Le choc des cultures et des styles de vie est manifeste et les retrouvailles, malgré la délicatesse et la bonne volonté de Claire ne vont pas se dérouler exactement comme elle aurait prévu.

    Pierre Pinaud parle de l'abandon et du sentiment qui l'accompagne et qui assaille et tourmente chaque être humain dès sa naissance. Dès lors qu'il met le nez hors du ventre de sa mère, le nouveau-né ressent ce déchirement insupportable. Les aléas et autres vicissitudes de la vie feront que chacun d'entre nous sera plus ou moins souvent et fortement confronté à cette idée intolérable de l'abandon qui nous ramène au traumatisme de la naissance ou de l'enfance. Pfiou, c'est fort non ?

    Sauf qu'évidemment le réalisateur ne se contente pas de suivre le parcours émancipateur d'une adulte qui n'a pas réglé ses comptes, il parasite son propos d'une improbable historiette d'amour entre le fils de la femme du frère de Claire (vous suivez ?) et malgré le charme irrésistible de Nicolas Duvauchelle (qui serait à la fois maçon et photographe de talent, forcément de talent...), ça ne prend pas. En outre, les "pauvres" de banlieue se mobilisent au Secours Populaire pour aider plus pauvres qu'eux et ont la tête farcie de clichés sur les apparences. Les filles sont d'anciennes majorettes qui écoutaient Michelle Torr etc. Et le réalisateur multiplie les plans de dos de son actrice pour nous faire admirer les semelles rouges de ses chaussures !!! Bref.

    Sinon, il faut reconnaître que Pierre Pinaud réussit un épilogue que l'on attendait pas et risque même une scène surprenante à l'hôpital où sa déconcertante héroïne frôle le meurtre. Et puis surtout il y a Karin Viard qu'il filme amoureusement comme quelques réalisateurs le font parfois pour leur actrice. Elle est (très) belle, drôle, émouvante. Dommage que le film ne soit pas toujours à la hauteur de sa grande et belle prestation car ce rôle lui va comme un gant. Elle sait comme personne passer du sourire aux larmes, de l'énergie au découragement total. Elle est impliquée à 200 % dans son personnage qui étreint le coeur souvent malgré ses côtés grande bourgeoise insupportable. Un mélange de grande dame et de petite fille. J'ai adoré Karin Viard.